Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/8

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toujours croissante, à mesure que la chaîne s’allongeait, à mesure qu’elle se tendait, à mesure qu’elle se rapprochait de ce qui, dans tout récit, est le point culminant. — Certainement, pensai-je, une série d’événements romanesques se prêterait fort bien à une exposition comme celle-ci ; certainement, par les mêmes moyens que je vois employer ici, on ferait passer dans l’esprit du lecteur cette conviction, cette foi que je vois se produire grâce à la succession des témoignages individuels, si variés de forme, et pourtant si strictement « unifiés » par leur marche constante vers le même but. Plus j’y pensais, et plus un essai de ce genre m’apparaissait comme devant réussir. Aussi, quand le procès fut terminé, je rentrai chez moi bien déterminé à tenter l’aventure.

Mais quand il fallut donner une forme définie à la pensée qui m’avait préoccupé, je m’aperçus que la chose n’était point aussi facile que je l’avais crue. Elle offrait de sérieuses difficultés littéraires avec lesquelles, alors, mon expérience de romancier ne m’avait pas encore mis à même de lutter victorieusement. Je résolus d’attendre que j’eusse acquis, à un degré supérieur, la pratique de mon art ; d’attendre que le temps et le hasard vinssent m’offrir une chance nouvelle.

Voici comment cette chance m’arriva.

Dans le cours de l’année 1859, M. Charles Dickens lança le journal hebdomadaire qu’il a baptisé « All the year round[1] », et qu’il inaugura par un roman de lui (« A Tale of two Cities »). Lorsque la publication de cette œuvre (par livraisons hebdomadaires) eut été complétée, je fus invité à écrire le roman qui devait immédiatement lui succéder dans les colonnes du nouveau « périodique. »

Lorsque j’eus accepté la responsabilité de m’adresser

  1. Mot à mot : Tout le « tour » (ou tout le « long de l’Année. En bon français on dirait simplement : « Toute l’année. »