Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/102

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se livrer pouvaient amener des découvertes compromettantes pour ces vagabonds, il les ferait arrêter sous prévention, et les tiendrait pendant une huitaine de jours à notre disposition. Ils avaient commis par ignorance je ne sais quel mince délit qui les mettait sous le coup de la loi ; toute institution humaine (y compris la justice) peut devenir élastique dans un intérêt quelconque. Le magistral était un vieil ami de milady, et les Indiens furent arrêtés préventivement le lendemain matin.

Tel fut le récit que nous fit M. Franklin de l’emploi de sa matinée. La clé du mystère n’était plus aux mains des Indiens seuls, et si ces derniers étaient réellement innocents, qui au monde avait pu enlever le diamant de miss Rachel de son tiroir ?

Dix minutes plus tard, à mon grand soulagement, arriva l’inspecteur Seegrave. Il avait, nous apprit-il, rencontré sur la terrasse M. Franklin qui se chauffait au soleil (souvenir du Midi) et qui avait prévenu la police que les recherches seraient vaines, avant même qu’elles eussent commencé.

Pour une famille placée dans notre situation, l’inspecteur de la police de Frizinghall était le choix le plus rassurant qu’on pût souhaiter. Grand, de belle prestance et de tournure militaire, M. Seegrave joignait à une superbe voix de commandement un regard fier et assuré. Il portait une longue redingote sévèrement boutonnée jusqu’au menton.

Tout en lui disait : « Je suis l’homme qu’il vous faut. »

Le ton péremptoire avec lequel il donnait ses ordres à ses deux subordonnés indiquait qu’avec lui il n’y avait pas à plaisanter.

Il commença par visiter les alentours extérieurs et intérieurs : le résultat de ses investigations le convainquit qu’aucun voleur n’avait pénétré chez nous par effraction, et qu’en conséquence le vol avait dû être commis par quelqu’un de la maison. Je vous laisse à penser l’agitation où furent les domestiques lorsque cette déclaration officielle parvint à leurs oreilles. L’inspecteur décida qu’il visiterait d’abord le petit salon et qu’ensuite il interrogerait les gens. En même temps il posta un de ses hommes sur l’escalier qui menait aux chambres des domestiques, en lui enjoignant de ne laisser monter personne jusqu’à nouvel ordre.