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Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/103

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Cette dernière mesure porta au comble l’exaspération du sexe faible ; les femmes s’élancèrent en masse, entraînant Rosanna Spearman avec elles, vers le boudoir de miss Rachel, et sommèrent M. Seegrave, ayant toutes l’air de coupables, de leur dire laquelle d’entre elles il soupçonnait.

M. Seegrave ne faiblit point dans cette occasion et leur imposa par sa voix et sa contenance décidée. « Vous autres femmes, faites-moi maintenant le plaisir de redescendre toutes tant que vous êtes ; je ne veux supporter la présence d’aucune de vous ici ; voyez de quoi déjà vous êtes cause ? » Et il désignait un coin de peinture endommagé situé à la partie extérieure de la porte de miss Rachel, juste sous la serrure. « Voyez ce qu’ont fait vos jupons ! Videz la place. »

Rosanna, qui se trouvait la plus rapprochée de lui, et aussi de l’accident de la porte, donna la première l’exemple de l’obéissance, et partit faire son ouvrage. Les autres la suivirent. L’inspecteur acheva d’examiner la pièce, et n’y découvrant rien de nouveau, me demanda qui avait eu la première connaissance du vol. C’était ma fille. Elle fut mandée devant M. Seegrave.

Le chef de la police se montra un peu trop tranchant d’abord dans ses allures vis-à-vis de Pénélope. « Jeune fille, lui dit-il, veuillez me prêter toute votre attention, et prenez garde de ne dire que la vérité ! »

Pénélope prit feu à cette injonction :

« Je n’ai jamais appris à mentir, monsieur l’inspecteur ! Si mon père est d’humeur à rester là paisiblement pour entendre sa fille soupçonnée de vol et de mensonge, ayant la porte de sa propre chambre fermée à son nez, et sa réputation attaquée, lorsque c’est sa seule et légitime fortune, je ne le reconnais plus pour être le bon père que je croyais ! »

Un mot de conciliation dit à propos par moi mit le chef de la police et Pénélope sur le pied d’une meilleure entente. Les questions et les réponses se suivirent, et s’achevèrent sans amener aucun éclaircissement. Ma fille affirmait avoir vu miss Rachel déposer le diamant dans le meuble indien un instant avant d’aller se coucher. Elle était venue à huit heures du matin lui apporter son thé, et avait trouvé le tiroir ouvert et vide. Là-dessus, elle avait donné l’alarme, et elle ne pouvait rien dire de plus.