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« M. Franklin est sur la terrasse, miss. »

Sans ajouter un seul mot, sans s’occuper de l’inspecteur de police qui cherchait à lui parler, pâle comme une morte et perdue dans ses pensées, elle quitta la chambre, et alla rejoindre ses cousins sur la terrasse.

Je sentis que je manquais aux convenances, à la bonne éducation, en agissant ainsi, mais je crois qu’au prix de ma vie je n’eusse pu m’empêcher de regarder par la fenêtre quelle allait être l’entrevue de miss Rachel et des gentlemen. Elle s’approcha de M. Franklin sans paraître voir le moins du monde M. Godfrey, qui se retira en conséquence et les laissa à eux-mêmes. Ce qu’elle avait à dire à M. Franklin fut prononcé avec véhémence. Cet entretien ne dura qu’un moment ; mais à en juger par l’expression de la figure de son cousin, il sembla frappé d’un étonnement indicible. Pendant qu’ils étaient encore ensemble, milady parut sur la terrasse. Miss Rachel la vit, adressa un dernier mot à M. Franklin, et regagna vivement la maison, avant que sa mère eût pu la joindre. Surprise elle-même, et remarquant la stupéfaction de M. Franklin, milady alla vers lui. M. Godfrey se rapprocha et tous deux lui parlèrent. M. Franklin fit quelques pas entre eux, leur racontant, je pense, ce qui venait de se passer, car ils s’arrêtèrent court, comme des gens au comble de la stupéfaction. Je regardais toute cette scène, lorsque la porte du boudoir s’ouvrit violemment. Miss Rachel traversa le petit salon à pas précipités pour se rendre à sa chambre ; elle avait les yeux et les joues en feu et paraissait transportée de colère. Le chef de la police tenta encore une fois de lui parler, elle se retourna et s’écria avec rage : « Je ne vous ai pas fait venir, moi, je ne veux pas de vous ! mon diamant est perdu, ni vous ni personne ne le retrouvera jamais ! » Sur ces mots elle entra et nous ferma la porte au nez. Pénélope, qui se trouvait près de la chambre l’entendit fondre en larmes dès qu’elle se vit seule.

Furieuse tout à l’heure, en larmes maintenant ! que signifiait tout cela ! Je dis à M. Seegrave que cela pouvait s’expliquer par l’exaspération dans laquelle la perte de son bijou avait jeté miss Rachel.

Toujours désireux de sauvegarder l’honneur de la famille, je souffrais de voir ma jeune maîtresse s’oublier ainsi, même