Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/106

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devant un officier de police, et je tâchai de l’excuser de mon mieux. Dans mon for intérieur, j’étais plus troublé du langage inouï et de l’attitude de miss Rachel que je ne puis le dire. En la jugeant d’après sa dernière apostrophe, je supposai qu’elle était offensée de l’intervention de la police, et que M. Franklin ayant été l’auteur de cette mesure, ceci pouvait expliquer sa colère contre lui et la surprise qu’il avait dû en éprouver. Pourtant si ma supposition était exacte, pourquoi alors s’opposait-elle à l’emploi du seul moyen qui pût efficacement lui faire retrouver l’objet dont la perte la mettait dans un pareil état ?

Enfin, au nom du ciel, comment pouvait-elle affirmer que jamais on ne reverrait la Pierre de Lune ?

Dans l’état actuel des choses, je ne pouvais espérer recevoir aucune réponse à mes questions.

M. Franklin sembla se faire un point d’honneur de ne pas répéter à un serviteur, même aussi ancien que moi, ce que lui avait dit miss Rachel sur la terrasse. Il s’ouvrit probablement à M. Godfrey qui était un gentleman et un parent, mais celui-ci garda pour lui cette confidence, comme c’était son devoir de le faire. Milady, qui était sans doute aussi dans le secret, et qui seule avait accès auprès de miss Rachel, avouait ouvertement ne rien comprendre à sa fille ! « Vous me rendez folle lorsque vous me parlez du diamant ! » Toute l’influence de sa mère ne put jamais rien obtenir de plus.

Nous restions donc dans l’obscurité relativement au diamant, et sans plus d’éclaircissement au sujet de la conduite de miss Rachel. Sur ce dernier point, milady ne pouvait nous venir en aide. Quant au premier, vous jugerez vous-même que M. Seegrave approchait du moment où il pourrait s’avouer au bout de son latin.

Après avoir bouleversé sans résultat tout l’ameublement du boudoir, cet agent expérimenté me demanda si les domestiques avaient pour la plupart connu le lieu où se trouvait le diamant pendant la nuit.

« À commencer par moi, monsieur, lui dis-je ; je le connaissais, ainsi que le valet de pied Samuel, car il était dans le hall pendant qu’on discutait sur l’endroit où déposer le bijou. Ma fille l’y vit mettre également, comme elle vous l’a dit. Elle ou Samuel peut en avoir parlé à l’office ; d’ailleurs,