Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/107

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les gens auraient encore pu entendre eux-mêmes cette conversation, si la porte était ouverte sur l’escalier de service. En somme, chacun peut avoir eu l’occasion de savoir où reposait le diamant la nuit dernière. »

Ma réponse ouvrait un large champ aux investigations du chef de police ; il essaya de le limiter en m’interrogeant sur les domestiques et sur leur réputation individuelle.

Je songeai tout de suite à Rosanna Spearman. Mais il ne convenait ni à ma position, ni à mes sentiments personnels, de diriger les soupçons sur une pauvre fille, dont l’honnêteté avait été sans reproche depuis que je la connaissais.

La directrice du refuge l’avait donnée à milady comme étant sincèrement repentante, et parfaitement digne de sa confiance. C’était l’affaire de l’agent de police de trouver des motifs pour la soupçonner, et alors seulement, s’ils paraissaient s’établir, mon devoir serait de lui parler du passé de Rosanna et de lui dire comment elle était entrée à notre service. « Tous nos gens ont une excellente moralité, et tous méritent la confiance que ma maîtresse leur témoigne. » Telle fut ma réponse, après laquelle il ne restait à M. Seegrave qu’une chose à faire, c’était de sonder lui-même chacun des domestiques.

Il les examina les uns après les autres. Chacun d’eux assura qu’il n’avait rien à dire ; pour ce qui concerne les femmes, ce rien fut détaillé avec force perte de temps, et des plaintes amères de la confiscation momentanée de leurs chambres à coucher. Elles furent toutes renvoyées à leur ouvrage, et alors Pénélope ayant été rappelée, M. Seegrave se remit à l’interroger séparément.

L’impatience que ma fille avait montrée dans le « boudoir » et sa promptitude à se croire l’objet des soupçons parurent avoir produit une impression défavorable sur le chef de police. Il semblait aussi frappé de cette circonstance qu’elle était la dernière personne qui eût vu le diamant.

Lorsque ma chère petite me revint après ce second interrogatoire, elle était parvenue au comble de l’exaspération. Il n’y avait plus à en douter ! l’agent de police l’avait pour ainsi dire accusée du vol ! J’eus peine, même en pensant à l’opinion de M. Franklin, à le croire un âne aussi bâté ! Mais quoiqu’il ne se prononçât pas, le fait est que ses regards