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Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/112

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Considérées de la sorte, les allures de Rosanna prenaient une autre signification. Si Pénélope voyait juste dans cette occasion, le langage et la conduite de notre housemaid pouvaient s’expliquer par son désir irrésistible de parler à M. Franklin et d’attirer quand même son attention sur elle. Alors je pouvais aussi comprendre son air agité et satisfait lorsqu’elle me rencontra à la porte de la bibliothèque.

Bien qu’elle n’eût guère prononcé plus de quatre paroles, elle était arrivée à ses fins et M. Franklin lui avait parlé.

Je fis atteler le poney ; dans l’infernal et inextricable gâchis au milieu duquel nous nous agitions, je vous assure que j’éprouvais une satisfaction matérielle à observer combien toutes les parties du harnachement s’accordaient entre elles ! car enfin, le poney bien et dûment attelé, vous aviez sous les yeux un fait avéré, une certitude, et cela devenait une précieuse rareté au milieu des complications qui nous assaillaient. Quand je fus arrivé à la porte d’entrée avec le poney-chaise, j’y trouvai M. Franklin, et en plus M. Godfrey avec l’inspecteur qui m’attendaient sur les marches.

Les réflexions de M. Seegrave, après l’insuccès de ses recherches dans les chambres et les malles des domestiques, l’avaient conduit, paraît-il, à une conclusion toute nouvelle. Tenant toujours à sa première opinion, à savoir que le bijou avait été volé par quelqu’un de la maison, le policier expérimenté exprimait maintenant la pensée que le voleur (il eut le bon goût de ne pas nommer la pauvre Pénélope, quoi qu’il pût penser d’elle intérieurement) avait dû s’entendre avec les trois jongleurs ; il proposait donc de diriger l’enquête sur les Indiens détenus dans la prison de Frizinghall.

À ces mots, M. Franklin offrit de reconduire l’inspecteur à la ville, d’où il expédierait son télégramme aussi bien que de la station. M. Godfrey, toujours plein d’admiration pour M. Seegrave, et désireux d’assister à l’interrogatoire des Indiens, demanda à accompagner ces messieurs. Un des agents devait se joindre à eux, l’autre restait avec nous en cas de besoin ; ainsi les quatre places de la petite voiture se trouvèrent remplies.

Avant de prendre les rênes, M. Franklin fit quelques pas avec moi, afin d’être hors de la portée des oreilles étrangères.