Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/111

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toire de cette fille, car je sentais qu’autant valait la désigner tout de suite comme ayant volé le bijou.

En outre, quand même je me fusse ouvert à lui, et en supposant qu’elle eût commis le vol, il restait à chercher pourquoi elle paraissait vouloir confier son secret à M. Franklin plutôt qu’à tout autre.

« Je ne puis me résoudre à mettre cette fille dans un embarras sérieux, et cela uniquement parce que ses discours et son attitude touchent à l’extravagance, continua M. Franklin, et pourtant si elle s’était adressée au chef de police dans les mêmes termes qu’à moi, j’avoue que, tout sot qu’il est, il n’eût pu… »

Il s’arrêta là, et n’acheva pas sa phrase.

« Le mieux sera, monsieur, d’en dire un mot en particulier à ma maîtresse dès la première occasion. Milady porte un sincère intérêt à Rosanna, et celle-ci peut après tout n’avoir été que sotte et trop hardie.

« Un événement quelconque survient-il dans une maison, les femmes qui en font partie aiment toujours à l’envisager du côté le plus sombre ; il semble que ces pauvres créatures en acquièrent de l’importance à leurs propres yeux…

« Si vous avez un malade à soigner, rapportez-vous-en à elles pour prédire sa mort certaine. Si un bijou vient à être perdu, soyez-en certain, elles prédiront qu’on ne le retrouvera jamais. »

Ces réflexions parurent faire une impression favorable sur M. Franklin. : il plia son télégramme et changea de sujet de conversation.

Je me rendis aux écuries afin de commander le poney-chaise, et en y allant je jetai un coup d’œil sur l’office où les domestiques étaient à déjeuner.

Rosanna Spearman n’était pas parmi eux. Je demandai pourquoi ; on m’apprit qu’elle s’était trouvée subitement souffrante, et qu’elle était montée se coucher dans sa chambre.

« C’est bizarre, observai-je ; elle avait l’air assez bien lorsque je l’ai vue il n’y a qu’un instant ! »

Pénélope me suivit. « Ne parlez pas ainsi devant eux, père, me dit-elle ; vous ne les rendrez que plus acharnés contre elle. La pauvre fille a évidemment le cœur pris par M. Franklin Blake. »