rencontrer les siens. Son esprit semblait étrangement troublé. Elle rougit, puis pâlit affreusement, et sa physionomie prit avec ce dernier changement une expression qui m’alarma.
« Maintenant que j’ai répondu à votre question, miss, dit le sergent, je me permettrai de vous en poser une à mon tour. Voici une partie de la peinture de cette porte qui a été écorchée, savez-vous quand ou par qui cet accident a eu lieu ? »
Au lieu de lui répondre, miss Rachel continua ses questions, comme s’il n’eût pas parlé ou qu’elle ne l’eût pas entendu.
« Êtes-vous encore un officier de police ? demanda-t-elle.
— Je suis le sergent Cuff, du bureau des recherches.
— Croyez-vous que l’avis d’une jeune fille vaille quelque chose ?
— Je serai toujours heureux, miss, de l’entendre.
— Faites votre devoir à vous tout seul, et ne permettez pas à M. Franklin Blake de vous aider en quoi que ce soit ! »
Elle prononça ces mots avec un accent presque sauvage. Il y avait dans sa voix et son regard une animosité si marquée contre M. Franklin, que, quoique j’eusse vu naître miss Rachel et que je l’aimasse presque à l’égal de milady, je me sentis honteux d’elle pour la première fois de ma vie.
Le regard fixe du sergent ne la quittait pas.
« Merci, miss, lui dit-il. Pourriez-vous nous donner quelque éclaircissement au sujet de cette tache ? peut-être l’auriez-vous causée vous-même par inadvertance ?
— Je ne sais rien sur la tache. »
Sur cette réponse, elle nous quitta, et s’enferma dans sa chambre ; cette fois comme les autres, je l’entendis fondre en larmes dès qu’elle fut seule.
Je ne pus me résoudre à regarder le sergent. Je levai les yeux sur M. Franklin, près duquel je me trouvais. Il paraissait encore plus affligé que moi de ce qui se passait.
« Je vous avais bien prévenu que je me sentais inquiet sur son compte, me dit-il ; vous voyez que j’étais dans le vrai.
— Miss Verinder est un peu agacée de la perte de son diamant, observa M. Cuff ; c’est un joyau d’un grand prix, et cela se comprend ; très-naturel, très-naturel ! »