Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/123

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C’était identiquement là l’excuse que j’avais donnée pour elle à l’inspecteur, lorsque le jour précédent elle s’était déjà oubliée devant lui ; et sa conduite se trouvait jugée de même par un étranger qui ne lui portait aucun intérêt ! Une sorte de frisson me saisit, que je ne pus m’expliquer.

Je me rends compte maintenant qu’il faut que j’aie eu alors pour la première fois le pressentiment d’une lumière nouvelle et terrible, qui n’éclairerait que trop tôt l’affaire, et l’intuition que le sergent eut dès lors fut due uniquement à ce qu’il vit et entendit de miss Rachel pendant cette première entrevue.

« Une jeune fille peut se permettre bien des choses, monsieur, dit le sergent à M. Franklin ; donc, oublions ce qui vient d’avoir lieu, et continuons nos affaires. Grâce à vous, nous savons l’heure où la peinture devait être sèche. Le second point à élucider, c’est celui du dernier moment où quelqu’un a eu occasion de voir la porte avant qu’elle fût endommagée. Vous êtes un homme intelligent et vous me comprenez. »

M. Franklin fit un effort pour détacher sa pensée de miss Rachel et pour la ramener à ce qu’on lui demandait.

« Si je saisis bien votre intention, dit-il, plus nous précisons la question de temps, plus nous resserrons aussi le champ des investigations.

— C’est cela même, reprit le sergent. Eûtes-vous occasion de revoir votre œuvre depuis son achèvement dans l’après-midi du mercredi ? »

M. Franklin secoua la tête négativement, et répondit :

« Je ne puis en répondre.

— Et vous ? demanda le sergent en m’interpellant.

— Je n’y ai pas pris garde non plus, monsieur.

— Quelle est la dernière personne qui ait quitté cette chambre le mercredi soir ?

— Miss Rachel, je pense, monsieur. »

M. Franklin m’interrompit :

« Ou peut-être votre fille, Betteredge. »

Il se mit en demeure d’expliquer au sergent la position qu’occupait Pénélope auprès de miss Verinder.

« Monsieur Betteredge, veuillez demander à votre fille de monter ; attendez » dit le sergent : il m’emmena à la fenêtre de