Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/129

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le diamant fût volé. Je dis seulement qu’à cette heure le diamant manque, et que la découverte du vêtement taché de peinture peut nous le faire retrouver. »

Lady Verinder me regarda. « Comprenez-vous ceci ? me dit-elle.

— Le sergent Cuff, lui, le comprend, milady, répondis-je.

— Comment comptez-vous arriver à la découverte de ce vêtement ? demanda ma maîtresse à M. Cuff, mes serviteurs, éprouvés par de longues années de service, ont, je m’en sens honteuse pour eux, déjà subi la vexation des perquisitions dans leurs chambres, dans tous leurs effets. Je ne saurais permettre qu’ils soient soumis de nouveau à la même humiliation. (C’était là une bonne maîtresse, n’est-ce pas ? Sur dix mille femmes, on n’aurait pas trouvé sa pareille !)

— Voilà le point délicat que je voulais poser à milady, reprit le sergent. L’officier de police précédent a fait un mal infini à nos recherches, en laissant voir aux domestiques qu’on les soupçonnait. Si je les traitais ainsi une seconde fois, ils pourraient, les femmes surtout, me susciter mille embarras. Et pourtant, il faut que leurs effets soient visités, pour la raison toute simple, que la première recherche ne tendait qu’à trouver le diamant, et que la seconde s’appliquera à trouver le vêtement taché. Je partage entièrement votre désir de ménager les sentiments de vos gens, mais je n’en suis pas moins convaincu qu’il faut que leur garde-robe soit visitée. »

Cela ressemblait fort à une impasse ! Milady en jugea ainsi, d’accord avec moi.

« Je crois avoir trouvé un moyen de sortir de cette difficulté, dit le sergent, si milady y consent. Je propose de réunir les domestiques et de leur soumettre la question.

— Les femmes vont encore se croire suspectées, l’interrompis-je.

— Non, M. Betteredge, me répondit-il, elles ne jugeront pas ainsi, si je puis leur dire que je vais examiner les effets de tout le monde, même ceux de milady, enfin de toute personne ayant couché ici dans la nuit du mercredi. C’est une pure formalité, ajouta-t-il en jetant un regard de côté à ma maîtresse, mais les domestiques l’accepteront, placés ainsi sur un pied d’égalité avec leurs supérieurs, et au lieu de s’opposer aux recherches, ils se feront un point d’honneur de m’y aider. »