Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je m’aventurai à dire : « j’espère que vous ne croyez pas Rosanna mêlée à l’affaire du diamant ? »

Les coins de la bouche du sergent se retroussèrent, et il me regarda bien en face, justement comme il l’avait fait au jardin.

« Je crois que je ferai mieux de me taire là-dessus, monsieur Betteredge, dit-il, vous n’auriez, vous savez, qu’à perdre la tête pour la seconde fois ! »

Il me vint à l’esprit que je n’avais peut-être pas aussi bien dupé le célèbre Cuff, que je m’en étais flatté ! et je me sentis aise lorsque nous fûmes interrompus par un coup frappé à la porte et par un message de la cuisinière. Rosanna demandait à sortir, sous le prétexte habituel d’un mal de tête et du besoin de prendre l’air.

Sur un signe du sergent, je dis « oui. »

« De quel côté est la sortie des domestiques ? » demanda-t-il dès que nous fûmes seuls. Je la lui montrai. « Fermez la porte de votre chambre, et si quelqu’un me demande, répondez que je suis ici à me reposer. » Sa bouche exécuta son mouvement d’ascension et il quitta la chambre.

Une dévorante curiosité me poussa, dès que je fus seul, à tenter quelques découvertes pour mon compte.

Il était clair que les soupçons du sergent au sujet de Rosanna avaient été éveillés par des indices recueillis pendant l’interrogatoire des domestiques.

Or, les deux seuls (Rosanna exceptée) qui eussent été retenus pendant un certain temps, étaient la femme de chambre de milady et la première housemaid. Ces deux personnes étaient aussi celles qui n’avaient cessé de persécuter leur infortunée compagne ; mes conclusions furent prises en conséquence. Je les rejoignis comme par le fait du hasard dans l’office où elles prenaient le thé et je m’invitai à en prendre une tasse avec elles. (Nota bene, une goutte de thé est pour la langue d’une femme ce qu’est une goutte d’huile pour une lampe qui s’éteint !)

L’espoir que j’avais de trouver une alliée dans la théière ne fut pas déçu ; en moins d’une demi-heure, j’en sus aussi long que le sergent lui-même.

Les deux femmes en question n’avaient, paraît-il, pas cru un mot de la maladie subite de Rosanna, la veille. Ces deux