Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/146

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Un « Oui » assez sec fut ma réponse.

« Comme les goûts diffèrent ! dit le sergent ; en jugeant ce rivage à mon point de vue, je n’en ai jamais trouvé que j’admirerais moins : si vous avez à suivre quelqu’un dans cette direction, et que cette personne se retourne par hasard, vous ne rencontrez pas un seul endroit abrité où vous puissiez vous dissimuler. J’avais le choix d’arrêter Rosanna sous prévention ou de la laisser poursuivre en liberté son petit manège. Pour des raisons dont je vous épargne l’exposé, je me décidai à ne reculer devant aucun sacrifice afin d’éviter de donner trop tôt l’éveil à une autre personne dont nous tairons le nom entre nous. Je suis donc revenu à la maison vous prier de me conduire au nord du rivage par un autre chemin.

« Le sable est, par rapport aux empreintes de pas, un des meilleurs agents de police que je connaisse. Si nous ne joignons pas Rosanna Spearman en allant ainsi à sa rencontre, le sable nous mettra au courant de ce qu’elle a fait pour peu que le jour ne baisse pas trop rapidement. Voici le sable. Permettez-moi de vous engager à vous taire d’abord et à me laisser faire. »

S’il existe une maladie, une fièvre qu’on puisse nommer la fièvre de délation, celle-ci avait envahi votre très-humble serviteur. Le sergent passa à travers les monticules de sable, et gagna le rivage. Je le suivis, tout agité, et j’attendis un peu à l’écart ce qui surviendrait.

Le hasard fit que je me trouvais arrêté à la même place où je me souvenais d’avoir causé avec Rosanna, lorsque M. Franklin nous apparut soudain, arrivant de Londres. Pendant que mes yeux suivaient le sergent, ma pensée se reportait à ce qui m’avait été dit par Rosanna dans cette occasion-là. Je crus encore sentir cette pauvre enfant glissant sa main dans la mienne, et la serrant amicalement avec un élan de reconnaissance pour l’intérêt que je lui montrais. Il me semblait encore entendre sa voix, lorsqu’elle me disait que les Sables-Tremblants l’attiraient malgré elle ; enfin, je vis passer devant moi le rayonnement de sa figure lorsqu’elle aperçut M. Franklin arrivant gaiement vers nous à travers les monticules de sable.

À mesure que j’évoquais ces souvenirs, la tristesse m’en-