Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/147

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vahissait de plus en plus, et, lorsque je levais les yeux pour secouer ces pensées, la vue de cette petite baie solitaire ne servait guère à me réconforter.

Le jour achevait de baisser, et un calme presque sinistre régnait sur cette plage déserte. Le mouvement de la mer s’élevant et s’abaissant au large sur le banc s’opérait sans bruit ; et dans l’espace qui était le plus rapproché de nous, l’eau gisait silencieuse, obscure, et sans un souffle de vent pour l’animer, des masses de varech à l’aspect verdâtre flottaient à la surface des flaques d’eau ; l’écume stagnante apparaissait de loin en loin, éclairée par les dernières lueurs du jour, qui s’éteignaient sur les grandes pointes de rochers, sortant hors de l’eau, au nord et au sud.

Nous étions à l’heure de la marée ; pendant que je regardais ainsi vaguement et dans l’attente, la face roussâtre des affreux Sables-Tremblants commença à frissonner et à s’agiter, seul et lugubre indice du mouvement dans ce lieu désolé.

Je vis le sergent tressaillir lorsqu’il aperçut le frémissement du sable : il l’observa en silence pendant quelques instants, puis revint vers moi.

« Voilà un endroit traître et déplaisant, monsieur Betteredge, me dit-il ; on ne distingue aucune trace de Rosanna Spearman sur le rivage, à quelque place que vous regardiez. »

Il m’emmena un peu plus bas, et je m’assurai moi-même que ses pas et les miens étaient les seuls dont l’empreinte fût visible.

« Dans quelle direction est le hameau de pêcheurs par rapport à l’endroit où nous sommes ?

— Cobb’s Hole, dis-je (c’est le nom du hameau), se trouve près de nous au sud.

— J’ai vu cette fille ce soir, reprit M. Cuff, marchant le long du sable vers le nord ; donc, elle devait se diriger vers cet endroit-ci. Cobb’s Hole est-il derrière cette pointe de terrain et pouvons-nous y arriver, maintenant que la marée est basse, par le rivage ? »

Je répondis affirmativement aux deux questions.

« Veuillez m’excuser, dit le sergent, si je vous demande de nous acheminer vivement : je désire, avant que la nuit