Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/152

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affaires ; mais il est certain qu’elle a des amis quelque part et c’est chez eux, n’en doutez pas, qu’elle doit aller.

— Sera-ce bientôt ? demanda le sergent.

— Aussitôt qu’elle le pourra, » dit Mrs Yolland.

Ici, je quittai de nouveau la porte : moi qui étais à la tête de la maison de milady, je ne pouvais permettre sans le relever la continuation de ce bavardage sur un de nos domestiques.

« Vous devez vous tromper sur le compte de Rosanna Spearman, dis-je ; si elle avait dû quitter sa place, je pense qu’elle se serait adressée d’abord à moi.

— Me tromper, cria Mrs Yolland ! quand il n’y a pas une heure, elle achetait chez moi des articles de voyage ! Oui, monsieur Betteredge, chez moi, et dans cette même chambre. Tiens, ceci me rappelle autre chose, continua cette insupportable femme, qui se mit à fouiller dans ses poches, quelque chose que j’ai à vous dire à propos de Rosanna et de son argent. Y a-t-il des chances pour que l’un de vous la voie en rentrant à la maison ?

— Je me chargerai de votre commission pour elle avec le plus grand plaisir, » dit M. Cuff, avant que je pusse placer un mot.

Mrs Yolland sortit de sa poche quelques pièces de menue monnaie qu’elle se mit à compter dans sa main, avec la plus exaspérante lenteur ; puis elle tendit l’argent au sergent, non sans paraître désolée de s’en séparer.

« Puis-je vous prier de remettre ceci avec toutes mes amitiés à Rosanna ? dit Mrs Yolland ; elle a tenu à me payer le peu d’objets dont elle a eu la fantaisie ici ce soir, et certes l’argent est le bienvenu dans cette pauvre maison !

« Pourtant, je me reproche presque d’avoir accepté les maigres épargnes de cette fille ; et, à vous dire la vérité, je ne crois pas que mon mari soit content, quand il reviendra demain de son ouvrage, d’apprendre que je me suis laissé rembourser par elle. Dites-lui donc, je vous prie, que je lui fais cadeau de ce qu’elle m’a acheté ; mais, voyons, ne laissez pas cet argent traîner ainsi sur la table, fit Mrs Yolland avec insistance en remettant la somme devant le sergent comme si les pièces lui eussent brûlé les doigts. Non vraiment ; soyez donc un brave homme ! car les temps sont