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Pendant ce temps, le sergent Cuff et moi, nous arrivions chez milady.

À notre dernière conférence, elle était restée les yeux obstinément baissés sur un livre placé devant elle. Maintenant un changement heureux se manifestait dans son attitude. Le regard qu’elle dirigea sur le sergent ne le cédait pas en fermeté à celui de M. Cuff lui-même. Le caractère de la famille perçait dans toute sa physionomie : bref, je vis que le sergent allait avoir à faire à forte partie, du moment que ma maîtresse était résolue à affronter cette dure épreuve.


CHAPITRE XXI


Ce fut milady qui ouvrit la conversation après que nous nous fûmes assis.

« Sergent, dit-elle, j’ai peut-être bien des excuses à invoquer pour la manière inconsidérée dont je vous ai parlé il y a une demi-heure ; je ne désire pourtant pas diminuer mes torts, et je vous assure que, si je vous ai blessé, je le regrette. »

La bonne grâce de ces paroles et l’intention qu’y mettait ma maîtresse firent impression sur le sergent. Il demanda comme un acte de respect dû à lady Verinder la permission de se justifier. Il n’était pas admissible, dit-il, qu’on pût le rendre responsable de la catastrophe qui nous frappait tous, par la raison péremptoire qu’il avait le plus grand intérêt, pour son enquête, à ne rien dire ni faire qui pût inquiéter Rosanna Spearman. Il fit appel à cet égard à mon impartialité, et je ne pus que corroborer son affirmation. Là eût dû raisonnablement se terminer cette discussion.

Mais le sergent se décida à aller de l’avant avec la volonté, bien arrêtée, comme vous en pourrez juger, de forcer milady à subir l’explication la plus pénible qu’il pût lui donner.

« J’ai entendu, continua-t-il, attribuer le suicide de la