Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/194

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pauvre fille à un motif plausible et qui pourrait être le vrai. Ce motif n’a aucun rapport avec l’affaire qui me concerne ici, mais je dois avouer que mon opinion penche d’un autre côté. Je persiste à croire qu’une inquiétude trop lourde pour son esprit, et relative au diamant, a seule poussé Rosanna au suicide. Je ne prétends pas connaître toute l’étendue et le détail de ces préoccupations, mais je crois qu’avec votre permission, milady, je puis vous indiquer la personne seule en état de décider si je me trompe ou non.

— Cette personne est-elle actuellement à la maison ? dit lady Verinder au bout d’un instant.

— Elle a quitté la maison, milady. »

On ne pouvait désigner plus clairement miss Rachel ; et il s’ensuivit un silence dont je crus ne jamais voir la fin.

Seigneur ! comme le vent et la pluie faisaient rage, pendant que j’attendais que l’un d’eux reprît la parole !

« Soyez assez bon pour vous exprimer plus clairement, dit lady Verinder. Faites-vous allusion à ma fille ?

— Oui, milady, » répondit le sergent brièvement.

Ma maîtresse avait son livre de chèques posé sur la table devant elle, lorsque nous étions entrés, sans doute pour s’acquitter envers le sergent. Elle le repoussa dans un tiroir. J’eus le cœur serré lorsque cette main, qui avait comblé son vieux serviteur de ses bienfaits, cette main que je demande à Dieu de tenir dans la mienne quand mon heure sera venue, je la vis trembler d’émotion !

« J’avais espéré, reprit doucement milady, que je pourrais récompenser vos services, et que vous nous auriez quittés en évitant que le nom de miss Verinder fût prononcé aussi ouvertement entre nous qu’en ce moment. Mon neveu vous a probablement parlé de mes intentions avant que vous vinssiez dans ma chambre ?

— M. Blake m’a transmis votre message, milady, et j’ai donné ma réponse à M. Blake.

— Je ne désire pas connaître les motifs de votre insistance ; après ce que vous venez de me dire, vous comprenez aussi bien que moi que vous avez été trop loin pour ne pas achever cette explication entre vous et moi. Je dois à ma fille, je me dois à moi-même, d’exiger que vous parliez, et cela ici même. »