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Le sergent regarda l’heure à sa montre.

« Si j’avais eu le temps nécessaire, milady, j’eusse préféré vous communiquer ma pensée par écrit et non de vive voix. Mais si l’enquête doit se poursuivre, le temps est trop précieux pour le perdre à écrire. Je suis prêt à parler ; néanmoins le sujet sera pénible à traiter pour moi et il sera dur pour vous de m’entendre. »

Ici, ma maîtresse l’interrompit encore une fois.

« Je rendrai cette tâche moins pénible à vous et à mon fidèle serviteur et ami, dit-elle en me désignant, si je vous donne l’exemple de parler sans détour. Vous soupçonnez miss Verinder de nous tromper tous, en dissimulant la possession de son diamant, et cela dans quelque dessein tout personnel et secret. Est-ce vrai ?

— Parfaitement vrai, milady.

— Fort bien. Maintenant, avant que vous parliez, je puis affirmer, moi qui suis la mère de miss Verinder, qu’elle est absolument incapable de faire ce dont vous l’accusez. Vous ne la connaissez que depuis un jour ou deux ; moi je la connais depuis sa naissance. Établissez aussi fortement que vous le voudrez votre opinion sur elle, il vous sera impossible de m’offenser. Je suis sûre d’avance que, malgré toute votre habileté, vous avez été fatalement trompé par des circonstances qui ont égaré votre jugement. Remarquez-le bien, je ne possède aucune donnée particulière ; je suis aussi exclue que vous pouvez l’être de la confiance de ma fille. La seule raison que j’aie pour m’exprimer aussi positivement est celle que je viens de donner : « Je connais mon enfant. »

Elle se retourna vers moi, et me tendit sa main, que je baisai en silence. Puis :

« Vous pouvez continuer, » dit-elle au sergent avec un regard aussi assuré que jamais.

M. Cuff s’inclina. Les paroles de ma maîtresse n’avaient eu d’autre effet que d’adoucir l’expression de ses traits anguleux où semblait peinte maintenant une sorte de commisération. Quant à ébranler sa conviction, on voyait aisément que c’était peine perdue. Il s’établit dans son fauteuil, et commença son odieuse attaque contre la réputation de miss Rachel en ces termes :

« Il faut, milady, que je vous demande de bien vouloir