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CHAPITRE XXIII


J’avais fait tenir prête la chaise à poney pour le cas où M. Franklin persisterait à nous quitter cette nuit ; la vue de ses bagages, qui le précédaient lui-même, m’apprit qu’il avait su pour une fois prendre, puis tenir une résolution.

« Vous êtes donc bien décidé, monsieur ? lui dis-je, quand je le rencontrai dans le hall ; pourquoi ne pas laisser à miss Rachel le bénéfice de quelques jours de plus ? pourquoi ne pas attendre ici ? »

M. Franklin avait dépouillé tout vernis artificiel au moment de nous dire adieu.

Au lieu de me répondre, il mit entre mes mains la lettre que milady m’avait adressée pour lui ; elle ne contenait en grande partie qu’une répétition de ce que me disait la mienne ; mais quelques lignes relatives à miss Rachel la terminaient ; si elles n’éclaircissaient rien de plus, elles expliquaient au moins la persistance de M. Franklin dans sa détermination.

« Vous serez surpris, je n’en doute pas, disait sa tante, que je permette à ma fille de me tenir ainsi dans l’ignorance. Un diamant d’une valeur de vingt mille livres a été perdu, et j’ai lieu de supposer que le secret de sa disparition n’en est pas un pour Rachel, mais que l’obligation de se taire lui a été mystérieusement imposée par une ou plusieurs personnes à moi inconnues, et dans un but que je ne puis même deviner. Peut-on concevoir que je me laisse ainsi mystifier ? Oui, si l’on tient compte de l’état actuel de Rachel. Elle est en proie à une agitation nerveuse qui fait peine à voir, et je n’ose aborder le sujet de la Pierre de Lune avant que le temps ait eu le pouvoir de la calmer ; pour atteindre ce but, je n’ai pas hésité à renvoyer l’officier de police ; son habileté reconnue a été impuissante à pénétrer le mystère qui nous enveloppe ; un étranger ne peut plus rien pour nous, sa présence