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Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/220

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poids de la vie ; cette lettre m’apporte son éternel adieu ! Où est-il ? s’écria de nouveau Lucy, la figure enflammée à travers ses larmes. Où est-il, ce gentleman dont je ne dois parler qu’avec respect ? Ah ! monsieur Betteredge, le jour n’est pas éloigné où les pauvres se lèveront contre les riches ! Je prie Dieu qu’ils commencent leur œuvre de justice par lui, oui, par lui ! »

J’avais encore là un frappant exemple de ces personnes très-chrétiennes qui oublient absolument leurs principes chrétiens dès que les circonstances en rendent l’application trop difficile ! Le pasteur lui-même, et ce n’est pas peu dire ! n’eût pu sermonner cette fille dans l’état où elle était. Tout ce que je me hasardai à faire fut de la ramener à son sujet, dans l’espoir que je recueillerais de sa bouche quelque renseignement intéressant.

« Enfin que désirez-vous de M. Franklin Blake ? dis-je.

— Je veux le voir.

— Est-ce pour quelque chose de particulier ?

— J’ai une lettre à lui remettre.

— De Rosanna Spearman ?

— Oui.

— Que vous avez reçue dans la vôtre ?

— Oui. »

Le mystère allait-il enfin s’éclaircir ? Tout ce que je brûlais de découvrir venait-il s’offrir à moi par le fait du hasard ? Ce n’était pas impunément que j’avais vécu en contact avec le sergent Cuff. Certains symptômes me permirent de constater chez moi un nouvel accès de la fièvre de délation.

« Vous ne pouvez voir M. Franklin, lui dis-je.

— Il le faut, je veux le voir.

— Il est parti pour Londres la nuit dernière. »

Lucy me regarda entre les deux yeux, et vit que je lui disais la vérité. Sans un mot de plus, elle tourna du côté de Cobb’s Hole.

« Arrêtez lui dis-je ; j’attends demain des nouvelles de M. Franklin Blake. Remettez-moi cette lettre, et je la lui ferai parvenir aussitôt par la poste. »

Lucy s’affermit sur sa béquille, et me regarda par-dessus l’épaule.

« Je dois la lui remettre en mains propres, et ne la confierai à nul autre.