Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/226

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les régions lumineuses qui se sont ouvertes à vous-même depuis lors ?

Je répondrai que j’agis en vertu d’ordres reçus, et que ces mêmes ordres m’ont été donnés dans l’intérêt de la vérité ; il m’est défendu de poursuivre ma narration au delà de ce que j’avais appris par moi-même à l’époque où je termine mon récit ; je ne dois donc pas vous instruire de ce que d’autres personnes m’ont appris, et je me borne à transcrire ici mes souvenirs personnels, les nouveaux narrateurs étant chargés à leur tour de vous mettre au courant de première main. Dans cette histoire de la Pierre de Lune, il s’agit avant tout de vous présenter la déposition de témoins oculaires. Je m’imagine voir un membre de la famille, lisant ces pages dans cinquante ans d’ici. Dieu ! combien il se sentira flatté de ne rien apprendre par ouï-dire et d’être traité sous ce rapport absolument comme un juge sur son banc !

Nous nous séparons donc, au moins dans le présent, après avoir voyagé longtemps ensemble, et je l’espère avec un sentiment de bienveillance mutuelle. C’est maintenant à Londres que ce diable de diamant indien fait des siennes ; il faut donc que vous l’y suiviez et que vous me laissiez dans la solitude de la campagne.

Veuillez excuser les défauts de mon récit : celui d’abord de vous avoir trop souvent parlé de moi, puis, je le crains, de m’être montré trop familier. Je n’ai jamais eu que de bonnes intentions, et, comme je viens justement de finir mon dîner, je bois avec respect à votre santé et à votre bonheur un verre de l’ale fabriquée chez milady. Puissiez-vous trouver dans ces pages le souvenir que Robinson Crusoé conserva de son séjour dans l’île déserte : « quelque chose qui vous y ait plu et qui fasse pencher la balance de vos sentiments en ma faveur, dans l’appréciation que vous ferez de mes mérites et de mes défauts. »