Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/233

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perficiels, que de rapporter avec tant de détails un fait bien insignifiant ! Oh ! mes jeunes amis, pécheurs comme moi, gardez-vous de faire usage de votre pauvre et orgueilleuse raison ! Soyez bien en ordre au moral ! que vos bas soient aussi purs de taches que votre foi, et que votre foi resplendisse comme vos bas ! que celle-là comme ceux-ci soit irréprochable et en mesure de se montrer à toute heure !

Mille pardons, je me suis laissé entraîner à parler selon le style de mon École du dimanche, ce qui est ici hors de saison. Tâchons de redevenir mondaine, et disons que, dans cette affaire ainsi que dans bien d’autres, des bagatelles ont amené de terribles conséquences. Après avoir ajouté que l’étranger si poli était M. Luker, de Lambeth, nous suivrons M. Godfrey chez lui à Kilburn.

Un petit garçon l’y attendait, pauvrement vêtu, mais d’une physionomie intéressante et d’une apparence délicate. L’enfant tendit une lettre à M. Godfrey, ajoutant qu’elle lui avait été remise par une vieille dame qu’il ne connaissait pas et qui ne lui avait pas dit d’attendre une réponse.

Ces incidents étaient fréquents dans l’existence de M. Godfrey, toute consacrée à la charité. Il laissa partir l’enfant, et ouvrit sa lettre.

L’écriture lui était absolument inconnue. On le priait de se rendre dans une heure à une maison de Northumberland-Street, où il n’avait encore jamais eu occasion d’entrer. Le motif invoqué était de demander quelques détails à l’honorable directeur au sujet de la Société des petits vêtements, et ces renseignements étaient sollicités par une dame âgée qui comptait contribuer largement à cette œuvre de charité, si elle se trouvait satisfaite des réponses qu’on lui ferait. Elle donnait son nom, ajoutant que la courte durée de son séjour à Londres l’empêchait d’accorder un terme plus long pour la visite qu’elle attendait de l’éminent philanthrope.

Beaucoup de gens eussent hésité à se déranger pour se mettre à la disposition d’une personne étrangère ; mais un héros chrétien n’hésite jamais là où il s’agit de faire du bien. M. Godfrey tourna donc sur-le-champ ses pas vers la maison indiquée. Un homme de bonne mine, quoique un peu gros, vint ouvrir la porte, et en entendant le nom de M. Godfrey le fit