Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/236

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mouchoir, l’agenda et les papiers divers avaient été minutieusement examinés, mais gisaient là sans que rien fût endommagé, à la disposition de leur possesseur ; rien d’appartenant à la maison n’avait non plus été soustrait. Les seigneurs orientaux n’avaient déménagé que leur manuscrit.

Que pouvait signifier cette aventure ? En se plaçant au point de vue mondain, il semble que M. Godfrey ait été la victime de quelque malentendu incompréhensible, commis par des gens inconnus. Une ténébreuse conspiration existait au milieu de nous ; notre cher et innocent ami avait été pris dans son réseau. Lorsque le héros chrétien, vainqueur de tant de luttes spirituelles, tombe dans le piège qu’une méprise lui a tendu, quel avertissement pour chacun de nous de veiller sans cesse et de prier ! que de raisons de craindre que nos mauvais instincts, semblables à ces Orientaux, ne viennent à fondre sur nous !

Je pourrais écrire des pages sur ce seul thème ! mais, hélas ! il ne m’est pas permis de travailler à l’amélioration de mes lecteurs : je suis condamnée à poursuivre ma narration. La traite de mon riche parent, qui joue désormais dans mon existence le rôle de l’épée de Damoclès, est sous mes yeux pour me dire de continuer ma tâche. Nous laisserons M. Godfrey dans Northumberland-Street, et nous suivrons M. Luker pendant le reste de la journée.

Après avoir quitté la banque, M. Luker s’était rendu dans divers quartiers de Londres pour ses affaires. En rentrant chez lui, il trouva organisée la même manœuvre qui avait réussi avec M. Godfrey : l’enfant, la lettre d’une écriture inconnue, mais à la seule différence près, que le nom indiqué était celui d’un des clients de M. Luker. Son correspondant, écrivant à la troisième personne, sans doute par la main d’un secrétaire, lui annonçait qu’il était arrivé inopinément à Londres. Il venait, disait-il, de s’installer dans un logement d’Alfred-Place, Tottenham Court Road, et il désirait voir tout de suite M. Luker au sujet d’une importante acquisition qu’il voulait faire. Ce gentleman, amateur passionné d’antiquités orientales, contribuait largement depuis plusieurs années à la prospérité de l’établissement de Lambeth. Ah ! quand renoncerons-nous au culte de Mammon ? M. Luker prit un cab et se rendit chez son riche client.