Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/237

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Ce qui s’était passé à Northumberland-Street pour M. Godfrey se répéta exactement à Alfred-Place pour M. Luker. Même domestique respectable introduisant le visiteur dans le salon situé sur le derrière de la maison, même manuscrit indien exposé aux regards ; bref, rien ne manqua à cette nouvelle scène pour ressembler à la première : ni l’apparition des inconnus à la peau bistrée, ni le bandeau, ni le bâillon, ni enfin les perquisitions minutieuses pratiquées sur la personne du patient. M. Luker, il est vrai, ne fut pas délivré aussi vite que l’avait été M. Godfrey, mais les gens de la maison qui vinrent le dégager de ses liens lui firent un récit parfaitement identique à celui qu’avaient fait les propriétaires de Northumberland-Street. Les deux guets-apens avaient été conçus et perpétrés absolument de la même façon, sauf un point. Lorsque M. Luker passa en revue les objets à lui appartenant dont le tapis était jonché, il constata que sa montre et sa bourse étaient intactes, mais, moins heureux que M. Godfrey, il ne retrouva point un des papiers qu’il portait sur lui. Ce papier était le reçu d’un objet de grand prix qu’il avait déposé peu de jours auparavant chez ses banquiers.

Du reste, l’écrit en question devenait inutile au voleur, car les termes spécifiaient que l’objet ne serait remis qu’en mains propres à son possesseur. Sitôt qu’il se fut vêtu, M. Luker courut à la banque, espérant peut-être que les voleurs, peu au fait de cette clause, se seraient présentés pour essayer d’obtenir la remise de l’objet ; personne ne les avait vus, et on n’en entendit jamais parler depuis. Les banquiers furent d’avis que l’ami anglais avait sans doute pris connaissance de l’écrit, et les avait prévenus de l’inutilité de leur démarche.

La police fut mise au courant de ces deux actes incroyables, et déploya la plus grande activité dans ses recherches ; son opinion fut qu’un vol avait été organisé avec des données que l’événement prouva être incomplètes. Sans doute les voleurs soupçonnaient que M. Luker avait confié son précieux joyau à une tierce personne, et la politesse de M. Godfrey lui avait été fatale, car la mésaventure de notre ami venait de ce qu’on l’avait vu parler au prêteur sur gages à la sortie de la banque. S’il n’assistait pas à notre réunion