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esprit et me montra une tombe qui n’étais pas encore creusée ; le secret de ma pauvre tante n’en était plus un pour moi.


CHAPITRE III


Mon respect pour lady Verinder m’empêcha de lui laisser soupçonner ce que j’avais deviné avant qu’il lui convînt de m’en parler. J’attendis en silence, et je préparai intérieurement les paroles de pieux encouragement que je comptais placer dans l’occasion. Je me sentis dès lors en mesure d’accomplir mon devoir, quelque douloureux qu’il pût être.

« J’ai été gravement malade, Drusilla, commença par dire ma tante, et ce qui semblera étrange, sans le savoir moi-même. »

Je me souvins des milliers de créatures humaines qui à toute heure sont en danger de mort spirituelle sans s’en rendre compte. Et je craignis fort que ma pauvre tante ne fût de ce nombre !

« Oui, dis-je tristement, oui, chère.

— J’ai amené Rachel à Londres, comme vous le savez, poursuivit-elle, afin de consulter deux docteurs. »

— Deux docteurs ! pensai-je ; comment, dans l’état d’esprit de Rachel, ne pas donner la préférence à un ministre de Dieu ?

« Oui, chère, repris-je, oui. »

— Un de ces deux médecins m’était étranger ; l’autre, ancien ami de mon mari, m’avait toujours porté un sincère intérêt. Après avoir ordonné un traitement pour Rachel, il me dit qu’il désirait me parler en particulier. Je pensai qu’il s’agissait de la santé de ma fille. À ma grande surprise, il me prit gravement la main et dit : « Je viens de vous observer, lady Verinder, avec l’intérêt d’un ami et celui d’un médecin, et je crains que vous n’ayez bien plus besoin de soins que