Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ce dernier. Ces deux jeunesses virent passer les Indiens suivis du petit garçon, après que je les eus renvoyés. S’étant mis en tête sans motif valable (sauf que l’enfant était joli et délicat) que le gamin était maltraité par ces étrangers, les jeunes filles s’étaient glissées le long de la haie qui nous sépare de la route, et avaient observé de là les allures des Indiens placés de l’autre côté du chemin. Elles avaient vu ces derniers se livrer aux tours les plus étranges.

D’abord, ils explorèrent la route afin de s’assurer qu’ils étaient bien seuls.

Cela fait, ils se retournèrent tous trois vers la maison, puis une sorte de discussion s’engagea entre eux, dans leur langue. Ils semblèrent se consulter, hésiter, et enfin se tournèrent vers leur petit guide anglais, comme si lui seul pouvait les tirer d’embarras.

Alors l’Indien chef, qui parlait anglais, dit à l’enfant : « Étends la main. »

Ici, ma fille Pénélope affirma qu’en entendant ces terribles paroles, elle ne sut ce qui empêcha son cœur de bondir hors de sa poitrine ; je pensai à part moi que ce ne pouvait être que son corset ! Pourtant, je lui répliquai simplement : « Vous me faites frissonner. » Notez que toutes les femmes aiment ces petits compliments à sensation. — Eh bien, reprit-elle, lorsque l’Indien eut répété : « Étends la main, » l’enfant recula, secoua la tête, et dit qu’il n’aimait pas cela. Alors le jongleur lui demanda (sans aucune dureté) s’il aimerait mieux retourner à Londres, y être abandonné là où on l’avait recueilli, dormant sur un vieux panier dans le marché, en haillons et mourant de faim. Cela, paraît-il, trancha la difficulté, et le pauvre petit tendit sa main, quoique à regret. L’Indien, tirant une bouteille de ses vêtements, versa une sorte d’encre noire dans le creux de la main de l’enfant ; après quelques passes mystérieuses faites en l’air, il lui dit : « Regarde ; » le garçon devint immobile, et, raide comme une statue, regarda l’encre contenue dans sa main.

Jusqu’à présent, le tout me parut à moi une sorte de jonglerie avec perte de bonne encre, et le sommeil m’envahissait de nouveau, lorsque la suite du récit de Pénélope attira mon attention.

Les Indiens explorèrent encore une fois la route des yeux,