Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/37

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extraordinaire chez elle, car j’ai rarement rencontré une servante plus convenable et plus polie.

« Singulière fille, dit M. Franklin, je ne sais ce qui lui a paru si bizarre en moi ! — Je suppose, monsieur, répliquai-je en faisant allusion à son éducation étrangère, que c’est le vernis des pays lointains ! »

Je note ici la question banale de M. Franklin, et ma niaise réponse, comme pouvant servir de consolation à tous les gens sans esprit ; car j’ai remarqué qu’il y a une certaine satisfaction pour les gens inférieurs à voir qu’en beaucoup d’occasions leurs supérieurs ne déploient pas plus de finesse qu’eux ; or, ni M. Franklin, avec sa brillante éducation reçue à l’étranger, ni moi avec mon âge, mon expérience et mon esprit naturel, n’eûmes un soupçon de ce que signifiait la singulière attitude de Rosanna Spearman.

Nous ne songions plus à elle, pauvre fille, alors que son manteau gris avait à peine disparu derrière les sables. Que nous importe enfin ? direz-vous avec quelque raison. Continuez à me lire aussi patiemment que possible et peut-être vous plaindrez Rosanna Spearman, comme je la plaignis quand je découvris la vérité.


CHAPITRE V


Mon premier soin, dès que nous nous trouvâmes seuls, fut de chercher pour la troisième fois à me mettre sur mes pieds ; M. Franklin m’arrêta.

« Cet affreux site a au moins un avantage, dit-il, nous y sommes parfaitement seuls ; restez en place, Betteredge, j’ai à vous parler. » Pendant ce temps, je regardais l’homme que j’avais devant mes yeux, et je cherchais à retrouver en lui quelque trace de l’enfant que j’avais connu, mais l’homme fait me déroutait ; j’avais beau le considérer, je ne revoyais pas plus les joues roses du gamin que sa petite jaquette. Son