Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/47

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cartes sur table, et il convint qu’il avait besoin de certains papiers.

« Le colonel demanda un jour de réflexion. Sa réponse arriva le lendemain ; elle était consignée dans une lettre des plus étranges que mon ami l’homme de loi me montra.

« Le colonel commençait par prévenir mon père qu’à son tour il avait besoin de M. Blake, et il lui proposait un échange de services mutuels. La fortune de la guerre (telle était son expression) avait, disait-il, fait tomber entre ses mains un des plus gros diamants connus ; il avait de fortes raisons pour croire que ni lui ni son précieux joyau n’étaient en sécurité dans quelque lieu ou quelque point du globe qu’ils occupassent ensemble.

« En présence d’une situation aussi grave, il était résolu à mettre son diamant sous la sauvegarde d’une tierce personne. Celle-ci ne devait courir aucun risque. Elle pouvait déposer la pierre précieuse dans tout endroit destiné à ces sortes de dépôts, coffre-fort de banquier ou de joaillier, reconnu sûr et approprié à cet usage. La responsabilité de ce tiers serait uniquement d’un ordre passif. Il devait seulement, par lui-même ou par un représentant accrédité, prendre ses mesures pour recevoir à une adresse convenue, et à certains jours fixés chaque année, un mot du colonel, établissant qu’il était encore en vie.

« Dans le cas où l’on ne recevrait pas de lettre à la date indiquée, le silence devrait être considéré comme une preuve de la mort violente du colonel. Alors, et seulement alors, on devait ouvrir, lire et suivre implicitement les instructions jointes au diamant, et qui disposaient du joyau. Si mon père consentait à accepter ces diverses conditions, le colonel tenait en échange ses papiers à sa disposition.

— Que fit votre père, monsieur ? demandai-je.

— Ce qu’il fit, répondit M. Franklin, vous allez le savoir. Il appela à son aide cette incomparable qualité nommée le bon sens pour peser les termes de la lettre de son beau-frère.

« Tout cela, déclara-t-il, était absurde. Dans ses pérégrinations à travers l’Inde, le colonel était sans doute tombé sur un misérable morceau de cristal qu’il avait pris pour un diamant.

« Quant à ses craintes d’assassinat, à ses précautions pour