Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/53

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« À quoi pensez-vous, dit tout à coup M. Franklin ?

— Je songeais, monsieur, répliquai-je, que j’aimerais à précipiter le diamant dans les sables tremblants, et à mettre fin ainsi à toutes nos préoccupations !

— Si vous avez en poche la valeur de la Pierre de Lune, Betteredge, me répondit M. Franklin, dites-le vite, et ainsi sera-t-il fait ! »

Il est curieux d’observer combien, lorsque l’esprit est trop tendu, la moindre plaisanterie réussit à l’alléger. Nous trouvâmes très-divertissante l’idée de disposer ainsi du bien de miss Rachel, et de mettre M. Blake, l’exécuteur testamentaire, dans un si terrible embarras, quoique, à l’heure présente, je me demande encore ce qu’il y avait là de si divertissant !

M. Franklin fut le premier à ramener la conversation à son sujet principal.

Il prit une enveloppe dans sa poche, l’ouvrit, et me tendit le papier qu’elle renfermait.

« Betteredge, dit-il, il faut que nous envisagions nettement, et cela dans l’intérêt de ma tante, la question des motifs secrets qu’eut le colonel pour faire ce legs à sa nièce. Ne perdez pas de vue la façon dont lady Verinder traita son frère depuis le moment de son retour en Angleterre jusqu’à celui où il vous promit de se souvenir du jour de naissance de sa nièce ; puis lisez ceci. » Il me remit l’extrait du testament du colonel : je l’ai sous les yeux pendant que j’écris, et j’en prends copie à votre intention.

« Troisièmement, et finalement, je donne et lègue à ma nièce, Rachel Verinder, fille unique de ma sœur Julia Verinder, veuve, si ladite dame est encore en vie lors du prochain jour de naissance de Rachel Verinder, c’est-à-dire au premier anniversaire qui suivra ma mort, mon diamant jaune, connu en Orient sous le nom de diamant de la Lune ; ce legs est soumis à la condition que ladite Julia Verinder sera en vie à cette époque. À cet effet, je désire que mon exécuteur testamentaire remette mon diamant, par ses mains ou par celles d’un intermédiaire digne de sa confiance et désigné par lui, en la possession personnelle de ma nièce Rachel, au prochain jour de sa naissance qui suivra ma mort, et cela, si faire se peut, en présence de ma sœur Julia