Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/54

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Verinder. Je désire aussi qu’on informe ma sœur, par une copie légalisée, de cette troisième et dernière clause de mon testament, à savoir, que je donne le diamant à sa fille Rachel, en signe de pardon absolu du tort que ses procédés envers moi ont causé à ma réputation durant ma vie, et tout particulièrement comme preuve que je pardonne, ainsi qu’il convient à un gentilhomme et à un officier, l’insulte qui me fut faite, lorsque son valet de chambre, agissant par ses ordres, me ferma sa porte le soir du jour de naissance de sa fille… ».

D’autres détails suivaient, ordonnant en cas du décès de milady ou de miss Rachel, lors de l’ouverture du testament, l’envoi du diamant en Hollande, où on en disposerait suivant la teneur des instructions cachetées que M. Franklin nous a fait connaître précédemment.

Je rendis le papier à M. Frankiin, trop troublé pour exprimer mon opinion. Jusqu’à ce moment je restais convaincu, vous le savez, que le colonel était mort aussi réprouvé qu’il avait vécu. Je ne pourrais dire que cette lecture me convertit complétement ; mais enfin elle m’ébranla, je l’avoue.

« Eh bien, dit M. Franklin, maintenant que vous avez pris connaissance des propres paroles du colonel, qu’en pensez-vous ? En introduisant la Pierre de Lune dans la maison de ma tante, suis-je ici l’instrument inconscient de la vengeance du colonel, ou est-ce que je réhabilite son caractère de chrétien repentant et pardonnant ?

— Il semble dur, monsieur, répondis-je, d’affirmer qu’il mourut avec une affreuse vengeance dans le cœur et un horrible mensonge sur les lèvres. Dieu seul connaît la vérité ! Ne me la demandez donc pas ! »

M. Franklin continua à tourner l’extrait du testament entre ses doigts, comme s’il eût espéré en voir jaillir la vérité ; pendant ce temps, sa physionomie changeait singulièrement.

De vif et animé qu’il était jusqu’ici, il devint tout à coup réfléchi et solennel.

« La question a deux points de vue, dit-il, le côté objectif et le côté subjectif. Lequel adoptons-nous ? »

Il avait reçu une éducation allemande aussi bien qu’une éducation française.

Cette dernière avait pris possession de lui jusqu’à ce mo-