Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/61

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m’assura, lui, qu’il avait eu une peine infinie à réunir dans son service l’attitude d’une respectueuse indifférence et l’attention due à M. Franklin Blake ; plus tard dans la soirée, nous les entendîmes chanter des duos. M. Franklin donnait toute sa voix et miss Rachel la dominait. Milady les accompagnait sur le piano, allant de difficultés en difficultés et leur faisant passer haies et fossés avec une habileté merveilleuse. C’était charmant à entendre le soir sur la terrasse par les fenêtres ouvertes.

Peu après, je montai le soda-water et l’eau-de-vie au fumoir, et je vis que la soirée passée près de miss Rachel avait complètement chassé la pensée du diamant de la tête de M. Franklin.

« C’est la plus ravissante fille que j’aie rencontrée depuis mon retour en Angleterre ! » voilà tout ce que j’en pus tirer quand j’essayai de ramener l’entretien sur des sujets plus sérieux.

Vers minuit, je fis ma ronde de surveillance autour de la maison, accompagné, comme de coutume, par mon second, le valet de pied Samuel. Lorsque toutes les portes furent fermées, sauf celle de côté qui donnait sur la terrasse, j’envoyai Samuel se coucher, et je pris l’air sur le pas de la porte avant de me mettre moi-même au lit.

La nuit était chaude et calme, et la lune donnait dans son plein ; il y avait un tel silence au dehors que j’entendais parfois vaguement le murmure de la mer lorsqu’elle venait mouiller le banc de sable de la petite baie. D’après l’emplacement de la maison, le côté de la terrasse se trouvait dans l’ombre, mais la lune éclairait entièrement l’allée sablée parallèle à la terrasse. Tandis que je regardais de ce côté, après avoir levé les yeux vers le ciel, je vis distinctement l’ombre d’une personne, projetée par la lune et partant du coin de la maison.

Je suis vieux, mais malin, et je me gardai de crier ; malheureusement l’âge m’a fort alourdi, et le bruit de mes pas sur le gravier me trahit. Avant que je pusse atteindre le coin, des jambes plus alertes que les miennes, et plusieurs paires d’entre elles, à ce qu’il me sembla, décampèrent à la hâte. Quand je gagnai le coin, les rôdeurs, quels qu’ils fussent, s’étaient jetés dans le taillis qui longe l’allée, et se dé-