Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de famille) eut un désappointement dans ses affections de jeunesse ; lorsqu’à la suite de ce chagrin, elle prit un mari, elle fit ce qu’on appelle une mésalliance.

Il y eut un grand tapage dans la famille, quand l’honorable Caroline persista à épouser M. Ablewhite, le simple banquier de Frizinghall.

Il était fort riche, respecté et entouré d’une famille bien posée ; le tout parlait en sa faveur. Mais enfin il s’était permis de s’élever à cette position en partant des rangs inférieurs de la société, et on ne pouvait tolérer cette audace.

Toutefois avec le temps, et grâce au progrès des lumières modernes, la mésalliance finit par être acceptée. Nous devenons si libéraux ! Personne ne se soucie guère, pourvu que les droits de chacun soient égaux, de savoir si tel membre, soit du parlement, soit de la société moderne, est un balayeur des rues ou un duc. Voilà le point de vue moderne, et je l’admets. Les Ablewhite demeuraient dans une belle maison entourée d’un parc et située à la porte de Frizinghall ; ils étaient fort respectés dans leur voisinage et dignes de l’être. Ils ne nous occuperont guère par la suite, à l’exception de M. Godfrey, second fils de M. Ablewhite, qui tiendra une place considérable dans mon récit, surtout par rapport à miss Rachel.

Malgré l’esprit, les talents et toutes les qualités de M. Franklin, je lui trouvais peu de chances de l’emporter sur M. Godfrey dans l’estime de ma jeune maîtresse.

En premier lieu, M. Godfrey était, au point de vue de la tournure, le plus bel homme des deux ; il mesurait près de six pieds de haut, avait de belles couleurs roses et blanches, la figure bien ronde et rasée, et de superbes cheveux blonds flottant négligemment sur son cou.

Mais pourquoi continuerais-je cette description de sa personne ? Si vous avez jamais souscrit aux œuvres de charité féminine à Londres, vous connaissez M. G. Ablewhite aussi bien que moi.

Sa profession était celle du barreau ; ses goûts le rendaient l’homme des dames, et par choix il vivait en bon Samaritain.

Il était le bras droit de la philanthropie féminine et la providence des femmes malheureuses.