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qu’elle détestait (sentiments dont elle s’acquittait également bien), miss Rachel suivait un petit système personnel qui suffisait aux peines et aux joies de son existence intime.

Que de fois n’ai-je pas entendu répéter à milady :

« Le meilleur ami et le pire ennemi de Rachel sont tous deux… Rachel elle-même. »

Un mot encore, et j’ai fini.

Avec ce caractère concentré et cette volonté inflexible, il n’y avait pas un atome de fausseté en elle. Je ne me souviens pas de l’avoir vue manquer à sa parole : dire oui pour elle ne signifiait jamais qu’elle pensât à faire le contraire. Plus d’une fois dans son enfance, je la vis supporter une réprimande ou un châtiment à la place d’une amie plutôt que de l’accuser. Personne ne put jamais lui faire avouer ni nier en ce cas la faute dont elle se laissait accuser à tort ; elle vous regardait bien résolument en face, secouait son petit minois et vous disait nettement :

« Vous ne me ferez pas parler. »

Punie de nouveau pour son obstination, elle voulait bien demander pardon pour avoir dit : « Je ne veux pas parler. » Mais on avait beau la mettre au pain et à l’eau, elle ne répondait rien de plus. Entêtée, volontaire comme un démon, j’en conviens, mais une créature parfaite à travers tout cela. Peut-être voyez-vous ici une certaine contradiction ? eh bien ! je vais vous glisser un mot dans le tuyau de l’oreille. Étudiez votre femme pendant vingt-quatre heures, et si durant ce temps vous ne découvrez chez la bonne dame aucune contradiction, que le Ciel ait pitié de vous ! vous avez épousé un monstre.

En vous faisant le portrait de miss Rachel, j’ai trouvé une transition pour vous parler des intentions matrimoniales de la jeune personne.

Le 12 juin, ma maîtresse adressa à un gentleman de Londres une invitation pour venir passer le jour de naissance de miss Rachel à la maison.

C’est à cet heureux personnage que je croyais le cœur de ma jeune maîtresse attaché ; de même que M. Franklin, il était son cousin et se nommait M. Godfrey Ablewhite.

La seconde sœur de milady (n’ayez pas peur, cette fois nous ne nous étendrons pas trop longtemps sur les affaires