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CHAPITRE IX


Le 21 juin se leva brumeux et incertain, mais vers midi le temps s’éclaircit. Tous les gens de la maison inaugurèrent cet heureux anniversaire en offrant leurs modestes présents à miss Rachel, avec le discours habituel débité par moi comme chef de la domesticité. Je suis en cela l’usage de notre reine à l’ouverture du Parlement : je répète tous les ans presque les mêmes banalités, et avant que je prononce mon discours, on attend mes paroles avec autant d’impatience (tout comme celles de la reine) que si j’allais dire quelque chose de nouveau. Lorsque j’ai achevé, et qu’on voit qu’il ne s’y trouve rien que de connu, ils grognent un peu, mais commencent déjà à espérer mieux pour l’année prochaine. La morale de ceci, c’est que le Parlement et la Cuisine sont vraiment gens aisés à gouverner !

Après le déjeuner, M. Franklin et moi eûmes une conférence au sujet de la Pierre de Lune, car le temps était venu de la retirer de la Banque, et de la remettre en mains propres à miss Rachel.

Avait-il essuyé une rebuffade en essayant de nouveau de faire la cour à sa cousine, ou bien fallait-il attribuer à ses fréquentes insomnies les incertitudes et les contradictions croissantes de son caractère ? Toujours est-il que M. Franklin ne se montra pas à son avantage dans cette matinée. Il changea d’avis sur le diamant plus de vingt fois en vingt minutes. Pour ma part, je m’en tins purement et simplement aux faits que nous connaissions.

Rien n’était survenu qui nous autorisât à inquiéter milady au sujet de ce joyau, et rien ne pouvait dispenser M. Franklin de l’obligation légale de le remettre à sa cousine. Il eut beau retourner mon appréciation dans tous les sens, il était forcé de l’adopter. Nous convînmes qu’après le goûter, il