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irait à cheval à Frizinghall, et en rapporterait le diamant ; il aurait probablement, pour revenir, la compagnie de M. Godfrey et des deux jeunes dames.

Cela décidé, M. Franklin retourna près de miss Rachel.

Ils passèrent la plus grande partie de la journée à l’interminable œuvre de décoration : Pénélope aidant à préparer les couleurs, milady allant et venant, vers l’heure du goûter, son mouchoir sous le nez, (car l’agent actif avait été ce jour-là fort employé), et cherchant, en vain, il est vrai, à arracher les artistes à leur travail.

Il était trois heures lorsqu’ils ôtèrent leurs sarraus, rendirent la liberté à Pénélope et allèrent se nettoyer, mais ils en étaient venus à leurs fins, et la fameuse porte se trouvait achevée pour le jour de naissance, ce dont ils étaient bien fiers.

Les amours, les griffons et le reste étaient, j’en conviens, fort jolis à voir ; mais tout cela, au milieu des devises et des fleurs, formait un tohu-bohu de figures si nombreuses, si bizarres de gestes et d’attitudes, qu’après avoir eu le plaisir de les contempler, vous en gardiez plusieurs heures durant une impression désagréable dans la tête.

Si j’ajoute à cette critique que Pénélope paya de la migraine sa collaboration à l’œuvre d’art, ce n’est pas en vue de dénigrer l’agent actif que je le dis ; non, car il cessa d’infecter en séchant, et si l’amour de l’art demande quelques sacrifices, eh bien, je consens à ce que ma fille en prenne sa part.

M. Franklin goûta à la hâte, et partit pour Frizinghall, sous le prétexte de se joindre à ses cousins, et en réalité pour en rapporter le diamant.

Cette solennité étant de celles où je prenais ma place comme maître d’hôtel en titre, j’eus assez à faire pour m’absorber pendant l’absence de M. Franklin. Lorsque j’eus monté les vins et passé la revue des domestiques mâles et femelles qui devaient servir le dîner, je me retirai pour prendre un peu de repos avant l’arrivée des invités.

Une bouffée de vous savez quoi et une petite lecture de mon livre favori me reposaient l’esprit et le corps. Un bruit de chevaux me tira de ce que je crois avoir été plutôt une rêverie que de la somnolence ; j’allai à la porte et j’y reçus