Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans ce sanctuaire, la nuit même où il fut achevé, Vischnou apparut en songe aux trois brahmines.

Le dieu dirigea son souffle sur le diamant de l’idole sacrée, et les brahmines prosternés se voilèrent la face.

Vischnou ordonna que désormais le diamant de la lune serait gardé jour et nuit, alternativement par trois prêtres jusqu’à la fin des siècles.

Et les brahmines l’entendirent, et ils s’inclinèrent devant sa volonté suprême.

Le dieu prédit un désastre au mortel assez présomptueux pour porter ses mains sur le joyau sacré, ainsi qu’à tous ceux de sa maison et de son nom, qui hériteraient du fruit de ce sacrilège. Et les brahmines font inscrire l’arrêt divin en lettres d’or sur la porte de l’enceinte consacrée.

Les siècles suivirent les siècles, mais de génération en génération les successeurs des trois brahmines veillèrent nuit et jour sur l’inestimable diamant de la lune.

Nous arrivons ainsi au xviiie siècle, dont les premières années virent le règne d’Aureng-Zeyb, empereur des Mongols ; il donna le signal de nouvelles rapines et de la destruction des temples dédiés au grand Brahma.

Le sanctuaire du dieu aux mains multiples fut souillé par le massacre des animaux sacrés ; les images des divinités furent brisées, et enfin le diamant tomba entre les mains d’un officier supérieur de l’armée du Mogol.

Impuissants à ressaisir leur trésor à main armée, les trois prêtres gardiens se déguisèrent pour le suivre et le surveiller à distance. Les générations se succédèrent, le guerrier sacrilège périt misérablement ; le diamant, portant toujours sa malédiction avec lui, passa d’un infidèle à un autre ; mais les prêtres ne se départirent jamais de leur mission, guettant patiemment le jour où la volonté de Vischnou les ferait rentrer en possession de leur joyau sacré. Le xviiie siècle s’achevait lorsque les pérégrinations du diamant le mirent aux mains de Tippo, sultan de Seringapatam, qui le fit enchâsser au manche d’un poignard, et placer dans son arsenal, comme une de ses armes les plus précieuses.

En ce lieu même, demeure du sultan, les trois brahmines veillèrent sur la Pierre de la Lune. On racontait que trois officiers de la maison de Tippo, étrangers et inconnus,