Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/81

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Peu vous importe de connaître le nom de tous les invités que vous ne retrouverez plus dans cette histoire, à l’exception pourtant de deux d’entre eux. Ces deux personnages étaient assis près de miss Rachel, qui, comme reine du jour, était le centre de toutes les attentions ; elle attirait encore plus les regards que de coutume, car elle portait sur elle, à la grande contrariété de milady, son merveilleux présent, la Pierre de Lune.

Lorsqu’elle reçut ce diamant, il était sans aucune monture ; mais M. Franklin, ce génie universel, avait trouvé moyen avec un peu de fil de laiton argenté de le fixer en broche sur sa toilette blanche. Chacun s’extasiait comme de raison sur la dimension et la beauté de ce bijou. Mais les deux seules personnes qui dirent là-dessus autre chose que des lieux communs furent les deux invités dont j’ai parlé, et qui étaient assis à la droite et à la gauche de miss Rachel.

À gauche était M. Candy, le docteur de Frizinghall, bon petit homme, serviable, agréable, mais auquel on pouvait reprocher de trop faire durer ses plaisanteries, qu’elles fussent placées bien ou mal à propos, et aussi de causer à tort et à travers avec les étrangers sans tâter préalablement son terrain.

En société, il ne cessait de commettre des bévues, et à son insu semait les querelles parmi les gens. Dans l’exercice de sa profession, il montrait beaucoup plus de prudence, et, bien que, suivant ses ennemis, l’instinct suppléât chez lui au talent, il lui arrivait souvent de réussir là où échouaient des médecins plus savants et plus circonspects.

Ce qu’il dit du diamant avait, comme toujours, l’apparence d’une plaisanterie ou d’une mystification. Il supplia miss Rachel de lui laisser, dans l’intérêt de la science, emporter la pierre et de lui permettre de la brûler. « Nous la chaufferons d’abord, miss Rachel, à tel degré ; puis nous l’exposerons à un courant d’air, ainsi nous ferons évaporer le diamant et nous vous épargnerons toute anxiété future pour la conservation de ce précieux bijou ! » Milady, qui écoutait avec une figure soucieuse, semblait désirer que le docteur parlât sérieusement, et que miss Rachel eût su faire à la science l’héroïque sacrifice de son diamant.