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sorties, mais, qui plus est, quand l’éducation anglaise reprit le dessus, il tomba sur le sujet de la médecine, et tourna si crûment les docteurs en ridicule, que le bon M. Candy en suffoquait de colère.

Le point de départ de la dispute fut l’aveu fait, je ne sais à quel propos, par M. Franklin, qu’il dormait très-mal depuis un certain temps. M. Candy lui dit sur-le-champ que ses nerfs étaient en désarroi et qu’il devrait se soigner en conséquence.

M. Franklin lui rétorqua qu’un traitement médical et une promenade à tâtons dans les ténèbres, c’était à ses yeux exactement la même chose. M. Candy, piqué au jeu, lui répliqua que, puisqu’il passait ses nuits à s’agiter dans l’obscurité, il n’y avait que la médecine qui pût remédier à son aveuglement.

M. Franklin répondit qu’il avait souvent entendu parler d’aveugles ayant la prétention de conduire d’autres aveugles et qu’il voyait le proverbe se réaliser ici. Ils continuèrent à se taquiner ainsi jusqu’à ce que s’échauffant mutuellement, M. Candy, le premier perdit tout sang-froid au service de la défense de ses collègues, et milady dut intervenir pour arrêter net la suite de la discussion ; mais cet acte d’autorité rendu nécessaire acheva de refroidir la gaieté des convives. Vainement, on essaya plusieurs fois de reprendre la conversation ; elle ne cessa de languir et finit par tomber si bien, que ce fut un soulagement pour tout le monde lorsque milady donna le signal de se lever de table et laissa les hommes dégustant leur vin et voués peut-être aussi à la fatalité que le diable sous la forme de ce maudit diamant avait jetée sur eux tous.

Je venais de placer les bouteilles devant M. Ablewhite, qui représentait le maître de la maison, lorsqu’on entendit venir de la terrasse des sons qui à l’instant même me firent oublier tout décorum. M. Franklin et moi nous nous regardâmes ; le son était celui du tambourin des Indiens. Aussi vrai que j’existe, nous étions de nouveau aux prises avec les jongleurs, et cela, dès l’entrée de la Pierre de Lune dans notre maison !

Ils tournaient le coin de la terrasse, lorsque, les apercevant j’allai les rejoindre afin de les renvoyer. Mais, pour