qu’à ce moment-là j’étais à mille lieues de supposer que vous ayez pu voler le diamant. »
J’interrompis ici ma lecture pour la seconde fois.
J’avais lu avec une surprise mêlée de chagrin tout ce qui, dans la confession de cette malheureuse femme, se rapportait à ma personne. Je déplorais la suspicion dont j’avais entaché sa mémoire avant d’avoir ouvert sa lettre. Mais lorsque j’arrivai au passage ci-dessus mentionné, j’avoue que je me sentis plein d’amertume contre Rosanna Spearman.
« Lisez la suite vous-même, dis-je à Betteredge en lui tendant la lettre ; si elle renferme quelque chose que j’aie intérêt à connaître, vous pourrez me le dire.
— Je vous comprends bien, monsieur Franklin, fit-il ; votre irritation est toute naturelle, monsieur. Et, Dieu me pardonne, ajouta-t-il tout bas, son sentiment n’est pas moins naturel chez elle. »
Je copie la suite de la lettre d’après l’original que j’ai là sous les yeux :
« Décidée comme je l’étais à garder la robe et à en tirer parti dans l’avenir au profit de ma tendresse ou de ma vengeance, je devais d’abord songer au moyen de la garder sans crainte d’être découverte.
« Pour cela, mon unique ressource était d’en refaire une autre absolument semblable avant le samedi, jour où la lingère venait ramasser le linge. Je n’osai remettre mon entreprise au lendemain vendredi, de peur qu’il ne survînt quelque accident dans l’intervalle. Je résolus de confectionner ce vêtement le même jour jeudi, où, en m’y prenant bien, je pouvais m’assurer la libre disposition de mon temps. Aussitôt que j’eus serré votre robe de nuit dans mon tiroir, je retournai à votre chambre, moins pour finir d’y ranger (Pénélope l’aurait fait à ma place si je l’en avais priée) qu’afin de savoir si vous n’aviez pas mis accidentellement de la peinture sur vos draps ou sur un objet quelconque.
« J’examinai le tout en détail, et je trouvai en effet quelques traces de couleur sur la doublure intérieure de votre robe de chambre, non de celle de la saison, mais sur une en flanelle, et je supposai qu’ayant senti du froid avec le vêtement léger que je cachais, vous aviez mis celui-ci par dessus l’autre. En tout cas, les taches étaient bien visibles,