— Vous interrompîtes tout à coup vos réflexions et vous quittâtes la chambre.
— Ai-je fermé la porte après moi ?
— Non ; je vous vis entrer vivement dans le couloir en laissant la porte ouverte.
— Et après ?
— Votre lumière disparut, le son de vos pas s’éteignit, et je demeurai seule dans l’obscurité.
— Ne s’est-il rien passé depuis ce moment jusqu’à celui où toute la maison apprit la perte du diamant ?
— Rien absolument.
— En êtes-vous parfaitement sûre ? N’avez-vous pas pu finir par vous endormir ?
— Je n’ai pas dormi un seul instant et ne me suis pas recouchée. Il n’est rien survenu depuis ce moment jusqu’à celui où Pénélope est entrée chez moi. »
Je laissai tomber sa main ; je me levai et fis quelques pas. Aucune de mes questions n’avait été laissée sans réponse ; tous les détails que je désirais connaître m’avaient été donnés. J’étais revenu à l’hypothèse du somnambulisme ou de l’ivresse, et il fallait y renoncer une fois de plus. La parole du témoin oculaire de mes actions pendant cette nuit faisait évanouir ces diverses suppositions. Que restait-il à faire ? Que pouvais-je dire ? Le fait brutal, palpable du vol se dressait seul devant moi au milieu des horribles ténèbres qui m’enveloppaient. La vérité si ardemment cherchée se dérobait à ma poursuite. C’était en vain que j’avais découvert aux Sables-Tremblants le secret de Rosanna Spearman ; c’était en vain que j’avais fait appel à Rachel elle-même et que j’avais recueilli de sa bouche l’abominable histoire qu’on vient de lire.
Elle fut la première cette fois à rompre le silence.
« Eh bien, dit-elle, vous m’avez questionnée, je vous ai répondu, vous me faisiez espérer qu’il jaillirait quelque lumière de mon récit, comme vous l’espériez vous-même ; qu’avez-vous à me dire maintenant ? »
Le ton dont elle me parlait m’avertit que mon influence sur elle s’était de nouveau évanouie.
« Nous devions récapituler ensemble ce qui s’était passé pendant la soirée de mon jour de naissance, continua-t-elle,