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Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/139

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et nous espérions après cela arriver à nous entendre. En sommes-nous là ? »

Elle attendit impitoyablement ma réponse. Je répliquai de la manière la plus maladroite. L’exaspérante conviction de mon impuissance me jeta hors de mes gonds. Imprudemment et mal à propos, je lui reprochai de m’avoir, par son silence, laissé ignorer jusqu’à présent la vérité.

« Si vous aviez parlé lorsque vous auriez dû le faire, commençai-je ; si du moins, ce qui est de stricte justice, vous aviez consenti à vous expliquer… »

Elle poussa un cri de fureur ; ces quelques mots de reproche semblèrent avoir porté sa colère jusqu’au paroxysme.

« M’expliquer ! répéta-t-elle ; non, cet homme n’a pas son pareil sur la terre ! Quoi ! je le ménage lorsqu’il me brise le cœur ; je sauve sa réputation sans me soucier de compromettre la mienne, et lui, lui entre tous se retourne contre moi et m’accuse de n’avoir pas su m’expliquer ! Après que j’ai cru en lui, que je l’ai aimé jusqu’à la folie, après que j’ai pensé à lui nuit et jour, il s’étonne que je n’aie pas saisi la première occasion de lui dire : « Mon cher trésor, vous n’êtes qu’un voleur ! Vous le héros que j’aimais et que je respectais, vous vous êtes introduit chez moi à la faveur de la nuit, afin de voler mon diamant ! Voilà donc ce que j’eusse dû faire ! Ah ! malheureux homme, vil et méprisable ! j’aimerais mieux avoir perdu cinquante diamants que de vous entendre mentir ainsi que vous le faites ! »

Je pris mon chapeau ; par compassion pour elle, je le dis dans toute la sincérité de mon âme, je me levai sans prononcer un seul mot et j’ouvris la porte par laquelle j’étais entré.

Elle me suivit, m’arracha la porte des mains, la referma et me ramena à la place que je venais de quitter.

« Non, dit-elle, pas encore ! Il semble que je vous doive une justification de ma conduite envers vous. Eh bien, vous resterez et vous l’entendrez, ou vous ne sortirez d’ici, si vous l’osez, que par la force ! »

J’avais le cœur navré de la voir dans un pareil état d’exaspération et de l’entendre s’exprimer avec cette violence. Je ne pus lui répondre que par un signe indiquant que je me soumettais à ses volontés.