— Je suis venu ici après l’avoir ramenée à Portland-Place, car il était impossible de la laisser retourner seule en voiture. Je ne puis vous rendre responsable (surtout après vous avoir autorisé à voir Rachel chez moi) de la secousse que lui a causée cette malheureuse entrevue ; mais je dois éviter qu’une pareille impression se reproduise. Elle est jeune, pleine d’énergie ; elle prendra le dessus avec l’aide du temps et du repos ; promettez-moi de ne rien tenter qui trouble de nouveau son esprit, et de ne pas chercher à la revoir, à moins que je ne vous l’aie permis.
— Après tout ce que nous avons souffert tous deux, vous pouvez compter sur moi, lui dis-je.
— J’ai alors votre promesse ?
— Vous l’avez. »
M. Bruff parut respirer ; il ôta son chapeau et rapprocha sa chaise de la mienne.
« C’est chose convenue, dit-il ; maintenant parlons de l’avenir, de votre avenir, j’entends. Voici, selon moi, et en peu de mots, le résultat de l’incroyable explication d’aujourd’hui. En premier lieu, nous sommes certains que Rachel vous a dit toute la vérité, et en toute sincérité. En second lieu, bien que nous sachions qu’il y a là quelque horrible mystère, nous ne pouvons vraiment la blâmer de vous croire coupable, d’après le témoignage de ses propres yeux, d’autant plus que ce témoignage est corroboré par des circonstances qui paraissent accablantes contre vous. »
Ici je plaçai un mot.
« Je ne blâme pas Rachel, dis-je ; je regrette seulement qu’elle n’ait pu prendre sur elle de me parler en temps utile.
— Autant vaudrait regretter que Rachel soit Rachel, repartit M. Bruff, et, fût-elle tout autre qu’elle n’est, quelle jeune fille douée de sentiments délicats, après avoir désiré vous épouser, eût pu se résoudre à vous jeter à la tête une accusation de vol ? En tous cas, le caractère de Rachel ne lui permettait pas d’agir ainsi. Déjà, dans une circonstance fort différente de celle-ci, mais qui lui faisait une position presque analogue à celle qu’elle a prise vis-à-vis de vous, je l’ai vue se conduire de la même façon. D’ailleurs, comme elle me l’a dit elle-même ce soir, pendant que nous reve-