Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/154

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« J’ai souvent pensé à vous, monsieur Blake, me dit-il ; et je suis bien content de vous revoir enfin. Si je puis quelque chose pour votre service, je vous en prie, monsieur, veuillez disposer de moi, je suis tout à vous. »

Il débita ces lieux communs avec une volubilité ahurie, curieux de connaître le sujet de ma visite dans le Yorkshire et incapable, comme un enfant, de dissimuler son désir.

Pour le but que je me proposais, j’avais bien prévu la nécessité de fournir quelques explications aux personnes, presque toutes étrangères, que je voudrais intéresser à mes recherches. Pendant le trajet de Londres à Frizinghall, j’avais arrangé mon petit discours, et j’en essayai l’effet tout d’abord sur M. Candy.

« J’étais en Yorkshire il y a peu de jours, commençai-je à dire, et j’y reviens de nouveau à la poursuite d’un but assez romanesque ; il s’agit d’une affaire à laquelle tous les amis de feu lady Verinder ont pris intérêt. Vous souvenez-vous, monsieur Candy, de la mystérieuse disparition du diamant indien il y a près d’un an ? Des circonstances récentes me donnent à penser qu’on aurait quelque chance de retrouver cette pierre, et, comme membre de la famille, je ne néglige rien pour amener ce résultat. Un des obstacles que nous avons à surmonter est la difficulté de réunir toutes les preuves qu’on possédait déjà l’année dernière, et quelques-unes de plus, s’il est possible. Le cas qui nous occupe est si particulier que nous devons d’abord chercher à raviver le souvenir des moindres incidents de la soirée qui a précédé le vol ; je me permets donc de faire appel à tous les amis de ma pauvre tante présents à cette réunion dernière, afin qu’ils veuillent bien me prêter le secours de leur mémoire… »

J’en étais arrivé là de la répétition de mon rôle lorsque je m’arrêtai soudain ; la physionomie de M. Candy montrait que ma démarche auprès de lui serait complètement inutile.

Le petit docteur épluchait ses doigts pendant tout mon discours ; son regard vague était fixé sur moi avec une expression d’absence et pourtant d’effort intellectuel qui faisait peine à voir. On ne pouvait deviner ce à quoi il pensait, mais il était bien clair qu’après mes deux ou trois premières paroles il ne m’avait plus prêté aucune attention. Ma