Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/199

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Il a ouvert son carnet à une autre feuille et a donné un nouveau coup de langue à l’inépuisable crayon :

« Je désire savoir si je puis ou non me laver les mains…

— Sans nul doute, a interrompu M. Blake, je vais sonner le domestique.

— … de certaines responsabilités, a continué imperturbablement Betteredge, décidé à ignorer la présence de toute autre personne que lui et moi ; je commence par le boudoir ; lorsque nous enlevâmes le tapis, monsieur Jennings, j’y trouvai une foule incroyable d’épingles ; dois-je répondre de la mise en place des épingles ?

— Certainement non. »

Betteredge a pris note sur l’heure même de la concession.

« Quant au premier corridor, lorsque nous enlevâmes les ornements qui le décoraient, nous ôtâmes la statuette d’un enfant nu, portée à l’inventaire sous l’appellation profane de « Cupidon, dieu de l’Amour. » Il avait alors ses deux ailes intactes ; pendant un instant où je le perdis de vue, il en disparut une ; dois-je répondre de l’aile qui manque au Cupidon ? »

Nouvelle concession de ma part, nouvelle note de Betteredge.

« J’aborde le second corridor, a-t-il continué : il n’avait, l’année passée, aucune autre décoration que celle des portes de chaque chambre s’ouvrant sur ce passage, et pour celles-ci, je puis affirmer sous serment qu’elles y sont toutes ; ma conscience est donc en repos, je l’admets, quant à cette partie de la maison. Mais si la chambre de M. Franklin doit être remise dans l’état de l’année passée, je demande qui sera chargé de lui rendre l’aspect de désordre extraordinaire qu’elle présentait, bien qu’on la rangeât dix fois par jour ! Les pantalons étaient jetés d’un côté, les serviettes d’un autre, et des romans français traînaient partout. Je le répète : qui aura la responsabilité de rendre à cette chambre l’apparence de désordre qui lui était habituelle, M. Franklin ou moi ? »

M. Blake a déclaré qu’il en acceptait volontiers l’entière responsabilité ; Betteredge a refusé obstinément la solution ainsi proposée avant d’avoir obtenu préalablement mon assentiment ; j’ai adhéré promptement à la proposition, et Betteredge a fait une nouvelle petite note sur son carnet.