Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/212

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« Mistress Merridew, fait miss Verinder, je vous présente M. Jennings.

— Je demande pardon à monsieur Jennings, répond Mrs Merridew, qui tout en me parlant regarde miss Verinder. Les voyages en chemin de fer m’agitent toujours beaucoup ; je cherche à calmer mes nerfs en m’occupant, comme c’est mon habitude. J’ignore si la broderie est déplacée dans une pareille occasion ; si elle doit contrarier les projets médicaux de monsieur Jennings, je suis toute disposée à m’en séparer. »

Je me hâte de permettre la présence de la broderie, exactement comme j’ai autorisé l’absence de la tenture et de l’aile du Cupidon. Mrs Merridew fait un effort méritoire pour lever les yeux sur mes cheveux ; non ! elle n’y peut parvenir. Elle regarde de nouveau miss Verinder.

« Si monsieur Jennings veut bien le permettre, poursuit la vieille dame, je lui demanderai une faveur. Monsieur Jennings va tenter une expérience scientifique ; j’ai souvent assisté à de pareilles expériences quand j’étais jeune fille dans mon pensionnat ; toutes se terminaient par une explosion ; si monsieur Jennings était assez aimable pour me prévenir du moment de l’explosion, je désirerais que cet incident ait eu lieu avant que j’aille me mettre au lit. »

J’essaye de rassurer Mrs Merridew en lui affirmant qu’aucune explosion ne fait partie de notre programme.

« Vraiment ! reprend la vieille dame ; je suis très-reconnaissante à monsieur Jennings, je sais pourtant bien qu’il me trompe dans mon intérêt. Je préférerais entendre la vérité ; car je suis on ne peut plus résignée à l’explosion, mais je désirerais néanmoins qu’elle s’opérât avant que je fusse couchée. »

Ici la porte s’ouvre et Mrs Merridew pousse un autre petit cri. Est-ce l’explosion qui est proche ? Non, ce n’est que Betteredge.

« Je vous demande pardon, monsieur Jennings, commence ce dernier de son air le plus grave et le plus confidentiel. M. Franklin veut savoir où vous êtes ; comme vous avez ordonné de lui cacher l’arrivée de ces dames dans la maison, j’ai répondu que je l’ignorais ; ceci, veuillez bien l’observer, est un mensonge. J’ai déjà un pied dans la tombe, mon-