Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/23

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J’accueillis ses avances avec cordialité, et je m’assis près d’elle sur le canapé, à sa demande. Nous discutâmes les affaires de famille et ses plans d’avenir, toujours à l’exception de celui de ses projets qui devait finir par amener la conclusion de son mariage.

J’eus beau essayer de mettre la conversation sur ce sujet, elle se refusa résolument à me suivre dans cette voie. Toute allusion de ma part eût donc été prématurée, au point où en était notre réconciliation. J’appris du reste tout ce que je voulus savoir ; elle avait cessé d’être la créature hardie, insouciante de l’opinion, que j’avais connue pendant la durée de mon martyre à Montagu-Square, et c’en était assez pour m’engager à entreprendre sa conversion.

Je comptais débuter par quelques mots bien sentis destinés à la mettre en garde contre les mariages trop hâtifs, et je passerais de là à des objets plus élevés. L’intérêt nouveau que je portais à Rachel et le souvenir de l’imprudente promptitude avec laquelle elle avait accepté son cousin me firent considérer comme un devoir de me mêler de ses affaires, et de m’en mêler avec un zèle qui devait m’assurer un succès peu commun. Il fallait, je crois, agir rapidement dans cette occasion ; j’abordai sans tarder la question des domestiques requis pour la maison garnie :

« Où est la liste, ma bonne amie ? »

Rachel me la remit. Je lus : « Cuisinière, fille de cuisine, housemaid et valet de pied. »

« Ma chère Rachel, vous ne voulez engager ces domestiques que pour un temps très-court, le temps pendant lequel vous habiterez la maison louée par votre tuteur. Dans de pareilles conditions, nous aurons beaucoup de peine à trouver à Londres des domestiques qui puissent fournir de bons répondants. A-t-on déjà arrêté la maison de Brighton ?

— Oui, Godfrey l’a prise et les personnes qui l’habitent ont offert d’entrer à notre service ; mais ils ne pouvaient nous convenir, et mon cousin est revenu sans rien conclure.

— Vous n’avez aucune habitude de ce genre de recherches, ma chère Rachel ?

— Pas la moindre.

— Et notre tante Ablewhite ne veut s’occuper de rien ?

— Non ; pauvre femme, ne la blâmons pas, Drusilla ; je