Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frey, ce fut un soulagement pour moi de savoir que ses réflexions l’avaient décidée à rompre un engagement contracté à la légère.

Une fois que je fus instruit du passé, je voulus connaître le présent, toujours en ce qui concernait Rachel. Aux soins de qui avait-elle été confiée depuis qu’elle avait quitté la maison de M. Bruff ? Où habitait-elle maintenant ?

Elle demeurait, me fut-il répondu, avec une dame veuve Mrs Merridew, sœur de feu sir John Verinder, que les exécuteurs testamentaires avaient investie de la tutelle et qui l’avait acceptée. On m’assura qu’elles s’entendaient admirablement ensemble, elles étaient établies pour la saison dans la maison de Mrs Merridew, à Portland-Place.

Une demi-heure après que j’eus reçu ces renseignements, je m’acheminai vers Portland-Place, sans avoir osé faire part de mon projet à M. Bruff. Le domestique qui m’ouvrit la porte n’était pas certain que miss Verinder y fût ou non ; je lui remis ma carte et l’envoyai s’en informer à l’étage supérieur. L’homme redescendit avec une physionomie impassible, et me dit que miss Verinder était sortie.

J’eusse pu soupçonner d’autres personnes de me consigner à leur porte, ce n’était pas possible pour Rachel ; je laissai un mot pour prévenir que je reviendrais à six heures du soir.

À six heures, on me répondit pour la seconde fois que miss Rachel était sortie. Avait-elle laissé quelque écrit pour moi ? Non, aucun message ne m’était destiné. Ma carte avait-elle été remise à miss Verinder ? Le domestique m’affirma qu’elle l’avait reçue.

La conclusion à tirer était assez claire : Rachel refusait de me voir.

De mon côté, je me refusais à me laisser traiter ainsi, sans tenter au moins d’en découvrir la raison. J’envoyai mon nom à Mrs Merridew, et sollicitai l’honneur de l’entretenir quelques instants, au jour et à l’heure qu’il lui plairait de fixer. Elle ne fit aucune difficulté pour me recevoir aussitôt ; j’entrai dans un petit salon fort confortable et me trouvai en présence d’une vieille petite dame à l’aspect également confortable. Elle eut la bonté de témoigner une grande surprise et un regret infini du procédé dont je me plaignais,