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mais elle ajouta qu’elle n’était pas en position de me donner la moindre explication à cet égard, ou d’en exiger une de Rachel sur un point qui paraissait tenir à des sentiments de l’ordre le plus intime. Tout cela fut dit et répété avec une patience et une politesse inépuisables, et ce fut tout ce que je gagnai à mon entrevue avec Mrs Merridew.

Ma dernière ressource était d’écrire à Rachel ; mon domestique lui porta le lendemain une lettre de ma part, avec l’injonction formelle d’attendre la réponse.

Celle-ci me parvint ; elle ne contenait qu’une phrase :

« Miss Verinder refuse de donner suite à aucune correspondance avec M. Franklin Blake. »

Quelque tendresse que j’eusse conservée pour elle, je ressentis vivement un pareil affront. M. Bruff vint pour me parler d’affaires avant que j’eusse recouvré mon calme ; je laissai là les affaires et le rendis juge de la situation. Il se déclara aussi incapable de m’éclairer que Mrs Merridew elle-même. Je lui demandai si quelque bruit outrageant pour mon honneur était venu aux oreilles de Rachel ; M. Bruff m’assura n’en avoir jamais eu connaissance. Avait-elle parlé de moi d’une façon ou d’une autre alors qu’elle vivait chez M. Bruff ? Non, jamais. Mais n’avait-elle pas au moins, durant le cours de ma longue absence, cherché à savoir si j’étais mort ou vivant ? Aucune question de ce genre ne s’était échappée de ses lèvres. Je pris dans mon portefeuille la lettre que ma pauvre tante m’avait écrite de Frizinghall avant mon départ du Yorkshire, et j’attirai l’attention de M. Bruff sur le passage suivant :

« Dans l’inquiétant état d’esprit où se trouve Rachel, elle regarde toujours comme une offense impardonnable les soins que vous avez donnés à l’enquête relative à la perte du diamant. Par vos démarches dans cette affaire, vous avez involontairement et à votre insu aggravé le fardeau de ses inquiétudes en lui faisant craindre de voir, grâce à vos efforts, son bizarre secret découvert. »

« Est-il possible, demandai-je, que l’impression dont on m’entretient dans ces lignes subsiste encore aujourd’hui aussi violente que jamais ? »

M. Bruff parut réellement malheureux.

« Si vous tenez absolument à avoir ma réponse, reprit-il,