Page:Collins - Le Secret.djvu/101

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voix haute et très-lentement, comme pour graver séparément dans sa mémoire chacun des mots qu’il prononçait ainsi.

« Monsieur, à titre d’ancien consultant et fidèle ami de votre famille, mistress Frankland, née Treverton, désire que je vous transmette la triste nouvelle du décès de votre frère. Ce déplorable événement a eu lieu à bord du navire qu’il commandait, pendant un ouragan qui avait poussé ce navire sur un banc de rochers, en avant d’Antigua. Vous trouverez ci-inclus un récit détaillé du naufrage, extrait du Times. Il vous dira que votre frère a noblement péri dans l’accomplissement de ses devoirs envers son état-major et son équipage. Je vous envoie aussi extrait d’un journal du Cornouailles, renfermant sur le défunt une notice nécrologique.

Avant de clore cette communication, je dois ajouter que, malgré les recherches les plus assidues, on n’a pas trouvé de testament parmi les papiers de feu le capitaine Treverton. Il avait disposé, comme vous le savez, de Porthgenna : il ne lui restait donc plus, au moment de son décès, que sa fortune mobilière, provenant de la vente de ce domaine. Celle-ci, par suite de sa mort ab intestat, échoit légalement à sa fille, la plus proche héritière du sang.

Je suis, Monsieur, votre très-obéissant serviteur,

Alexander Nixon.

Le bout de papier tombé sur la table renfermait l’extrait du Times. Celui du journal de Cornouailles, que Shrowl avait ramassé sur le parquet, fut poussé par lui, dans un accès de déférence passagère, sous les yeux de son maître, aussitôt après qu’il en eut pris lecture. M. Treverton ne s’inquiéta ni de l’un ni de l’autre. Il demeurait assis, les yeux toujours arrêtés sur la lettre, même après l’avoir lue à trois reprises.

« Pourquoi ne donnez-vous pas un coup d’œil à la page imprimée aussi bien qu’à la feuille écrite ? demanda Shrowl… Pourquoi ne voulez-vous pas savoir quel grand homme c’était que votre frère, et quelle noble vie il a menée, et quelle fille admirablement belle il a laissée après lui, et quel admirable mariage elle a fait, justement avec le propriétaire de votre domaine de famille !… Ce n’est pas elle, toujours, qui a besoin de votre argent… La tempête qui a jeté sur les rochers où il s’est perdu corps et biens, le vaisseau commandé par son père, a soufflé dans son giron quarante bonnes mille livres sterling… Pourquoi ne lisez-vous pas tout ceci ?… Elle et son mari possèdent, en Cornouailles, une bien plus belle maison que celle où vous logez ici… Cela ne vous fait-il pas plaisir ?… Ils étaient sur le point de faire réparer l’établissement, et de fond en comble, pour déterminer votre frère à venir y vivre avec