Page:Collins - Le Secret.djvu/171

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haleine… Est-ce que mon maître, à présent, vit encore ?… Repose, jusqu’au jour où les noyés ressusciteront !… Tu lui diras le Secret quand la mer rendra les morts qu’elle garde.

— Sarah ! Sarah !… vous êtes changée… vous êtes malade… vous m’effrayez ! » s’écria l’oncle Joseph, se dressant sur ses pieds par un brusque élan.

Elle se retourna lentement, et le contempla avec des yeux qui n’exprimaient plus aucune idée, des yeux qui semblaient, par delà et comme à travers lui, regarder quelque chose à l’aventure.

« Gott im Himmel !… Que voit-elle donc ?… » Il regarda autour de lui au moment où cette exclamation lui échappait : « Sarah, qu’avez-vous ?… Vous trouvez-vous mal ?… Souffrez-vous ?… Rêvez-vous les yeux ouverts ?… »

Il la prit, à ces mots, par les deux bras, et la secoua doucement. Au moment même où elle sentit le contact de ses mains, elle tressaillit, et un tremblement violent s’empara d’elle. Avec la rapidité de l’éclair, ses yeux reprirent leur expression habituelle. Sans une seule parole, elle se rassit, et se mit à remuer le thé froid dans la tasse, à le remuer si fort qu’il débordait à chaque tour dans la soucoupe.

« Allons, dit l’oncle Joseph qui ne la quittait guère des yeux, la voilà qui redevient plus semblable à elle-même.

— Semblable à moi-même ? répéta-t-elle comme un vague écho.

— Voyons, voyons !… disait le vieillard, essayant de la calmer… Vous êtes malade… Vous êtes ce que les Français appellent hors de votre assiette… Nous avons ici de bons médecins… Laissez venir demain, et nous vous procurerons le meilleur.

— Je n’ai nul besoin de médecins !… Qu’on ne me parle pas de médecins… Je ne les puis souffrir… Ils me dévisagent avec une curiosité !… Ils semblent fouiller en moi, comme pour en tirer quelque chose… Pourquoi nous sommes-nous arrêtés ?… J’avais tant de choses à dire… Et il semble que nous nous soyons arrêtés justement alors qu’il fallait passer outre… Je suis, mon pauvre oncle, dans la peine et dans la crainte… Encore une fois… et toujours à cause du Secret…

— Tenez ! en voilà bien assez, dit le vieillard importuné… N’en parlons plus, au moins ce soir !

— Et pourquoi pas ?

— Parce que cela vous ferait encore mal… Vous recommen-